Comme nous nous sentons bien, bons, honnêtes, protecteurs à condamner l’homme qui a porté la main sur une femme !
Que nous soulage-t-il donc bien, ce vilain-là, à prendre sur lui tout seul la totalité de la méchanceté qu’il pourrait y avoir dans nos cœurs, et dont nous pourrions ne pas avoir entièrement conscience !
Comme il nous place comme Sauveurs et beaux vis-à-vis des femmes, nous qui pouvons sans la moindre retenue le pointer du doigt justicier ! Sans lui, nous aurions bien moins d’occasions de nous faire regarder comme bons par les femmes...
Certes, l’acte violent est inacceptable. Certes, l’homme qui frappe sa femme devrait acquérir la retenue sans faille. Certes, il faut porter secours à la femme victime de ces violences, et surtout, bien évidemment, porter aussi secours aux enfants qui voient papa frapper maman.
N’étant ni juge ni avocat de profession, il me reste le point de vue du psychologue.
Un brin aussi du point de vue du sociologue : notre société est un système qui ne place pas la femme et l’homme sur un plan égalitaire. Tout le marque : les salaires inégaux, les charges mentales et émotionnelles portées quasi uniquement par la femme, le double métier imposé aux femmes qui, après le travail rémunéré, ont à accomplir le métier de maîtresse de maison...
Rappelons-nous, aussi, que les violences faites aux femmes par des hommes concernent, toutes catégories de violences réunies, une femme sur deux, à l’un ou l’autre moment de sa vie.
Don Long écrivait déjà en 1987 que la tolérance incompréhensible de notre société à l’égard des violences conjugales attestait bien du fait que tous les hommes devaient, d’une façon ou d’une autre, tirer avantage du fait que certains d’entre eux s’autorisent ces comportements. En effet, on n’a pas compté de nombreuses marches ou manifestations conduites par des hommes disant STOP aux violences faites par des hommes aux femmes.
Mais il nous faut aussi comprendre notre responsabilité de psychothérapeutes face à cette particularité de notre système social. Si, en effet, portés par des émotions bien compréhensibles et des jugements indéniablement pertinents, nous nous contentons de bannir l’homme qui commet ces violences, nous devenons complices de cette maladie de notre système.
Notre aurions bien tort de nous limiter à cette propension à être Sauveur qui contribue à réduire la femme à une Victime impuissante, et le Persécuteur à un être intrinsèquement méchant et tout-puissant. C’est en effet inhérent à notre culture de ne nous intéresser qu’aux dominés pour leur apporter de l’aide, et laisser de côté l’aide, plus complexe, à fournir au dominateur. C’est dramatiquement le cas des hommes violents : nous leur tournons carrément le dos.
Dans notre culture, on tend à les considérer comme irrémédiablement dominateurs et violents, et cette perception méconnaît gravement la nature sur-compensatrice de leurs comportements, sur fond de peur de la soumission, de la domination par la femme, et de l’immense tristesse archaïque d’abandon. Ils ne cherchent pas la domination par conséquence d’un goût inadéquat de la puissance, mais à cause d’une peur, pour eux ingérable, de l’imprévu, de l’incompréhensible, et de l’abandon.
De même, notre légitime réprobation des comportements de domination et de violences risque de nous entraîner vers la qualification de l’être même de ces hommes. Le risque devient ici très grand de les juger Non-OK, fondamentalement mauvais, et de leur retirer leur dignité humaine, leur carte de membre de l’humanité. Et, de là, d’abandonner toute idée de leur venir en aide.
Cette façon de les laisser sans traitement constitue un risque continu pour d’autres femmes qu’il rencontrera, après celle-ci qui vient de le quitter.
Remarquons, enfin, qu’à nous limiter dans le rôle de punisseur-vengeur, nous entrons, à notre tour, dans le cycle support de cette violence, et nous devenons un nouvel élément actif de ce système. La violence devient un ingrédient incontournable, inévitable. À nous tenir loin des hommes qui recourent à la violence, nous devenons à notre tour des renforçateurs de la culture qui fait violence aux femmes.
Il est donc indispensable de nous mettre au travail, et d’accueillir ces hommes dans nos cabinets, et de eur offrir le traitement qui leur permettra de s’extraire de cette condition malheureuse.
Plusieurs éléments devront composer ce traitement :
Salomon Nasielski est psychologue, psychothérapeute en pratique privée, formateur de psychothérapeutes. Salomon a été un des pionniers de l’AT en Europe. |
[1] Robert MOORE & Douglas GILLETTE : King, Warrior, Magician, Lover ; Rediscovering the Archetypes of the Mature Masculine - Harper San Francisco, a division of Harper Collins Publishers, (10 East 53rd Street, New York, N.Y. 10022), 1991. 160 pp. ISBN : 0-06-250606-4.
CEPSI, s.a. (Centre d’Études Psychologiques des Systèmes Interpersonnels, anciennement l’Atelier Transactionnel).
Salomon Nasielski est psychologue, psychothérapeute en pratique privée, formateur de psychothérapeutes. Salomon a été un des pionniers de l’AT en Europe.
Il a acquis des formations approfondies dans les Quatre Écoles classiques de l’Analyse Transactionnelle, auprès de leurs formateurs, à l’occasion de nombreux stages résidentiels.
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