Chronique

Comment améliorer la confiance en soi ?

Par Saverio Tomasella.


Comment améliorer la confiance en soi ?

En définitive, sur quel fondement repose la confiance en soi ?
L’amour ! La confiance en soi repose avant tout sur l’amour. Derrière les demandes des personnes qui s’engagent dans une psychanalyse, se découvre la recherche d’une vie plus humaine, plus sereine, plus vraie. Il existe une quête propre à tout être humain qui concerne la reconnaissance, l’affection et l’amour.

De là, deux constats sont nécessaires. D’une part, il est facile de parler de l’amour, sans parvenir à le vivre dans la réalité. Nombre de discours se gargarisent de grands mots, sans qu’ils deviennent réalité. D’autre part, une idéologie en vogue tente de faire régner un certain nihilisme, un cynisme méprisant les besoins d’amour de l’être humain. Il n’est pas possible d’aller bien et d’avoir confiance en soi sans s’appuyer sur la réalité de l’amour.

On parle beaucoup d’estime de soi, mais n’est-ce pas égoïste au fond ?
Attention à ne pas tomber dans le jugement. La morale ne sert à rien. Penser à soi est nécessaire. S’estimer à sa juste valeur n’est pas une affaire d’ego, c’est surtout une condition favorable à toute relation durable et sincère.

Le retour vers soi est important pour se sentir bien et se ressourcer. Au contraire, l’importance accordée au regard des autres, à leurs appréciations, leurs critiques, leurs jugements, peut empêcher de constituer un regard intérieur, bienveillant et encourageant, propice au développement profond d’une vraie confiance en soi. Nous passons d’un regard extérieur, scrutateur, à un regard intérieur, bienveillant. Se sentir mieux en soi-même permet également qu’un regard plus accueillant se pose sur soi : plus je m’aime ; plus j’aide l’autre à m’aimer, plus je rends possible qu’il m’apprécie, qu’il m’estime…

Voici l’exemple d’une jeune femme qui a pu vivre le passage progressif d’une estimation de sa “ valeur ” à travers le regard des autres à une réelle estime de soi. Du fait de ce changement de perspective sur elle-même, cette jeune femme a pu se défaire d’anciens modes de comportement et de relation dans lesquels elle s’enlisait, pour en inventer d’autre, et devenir créatrice de sa propre vie.

Cette femme d’une trentaine d’années était très nerveuse et agitée. Elle n’avait pas confiance en elle, alors qu’elle était pleine de qualités tout à fait réelles. Elle parlait sans cesse pour « meubler », elle évitait les silences qui la mettaient face à son gouffre intérieur. Elle était uniquement préoccupée par le regard que les autres posaient sur elle. Elle se dévalorisait beaucoup elle-même. Après plusieurs mois de psychanalyse, son discours fleuve avait laissé la place à une parle posée, avec même des moments de silence apaisé qui prenaient place naturellement dans nos échanges. Elle parlait désormais beaucoup de ses enfants et du plaisir qu’elle avait à être avec eux. Même son allure vestimentaire avait changé. Elle ne cherchait plus à « ressembler à une poupée, parfaite à l’extérieur et tellement angoissée à l’intérieur ». Elle a compris l’importance de prendre du temps vraiment pour elle. Aujourd’hui, cette femme pratique la gymnastique aquatique ; elle dit qu’elle a retrouvé son corps et le plaisir d’être « bien dans sa peau ». Sa sexualité est devenue épanouie avec son mari. Elle dit être heureuse de sa vie et va pouvoir « réaliser un projet professionnel qui lui tient à cœur »… Des parcours comme celui-là, je peux vous en raconter beaucoup d’autres : cela demande du temps, de la persévérance, une implication personnelle, c’est tout. Il ne s’agit pas d’un conte de fée, mais de l’histoire ordinaire d’une personne comme vous et moi. La confiance en soi ce n’est pas une théorie, il ne s’agit pas de quelque chose d’abstrait, cela se vit au quotidien, d’abord à partir de petits gestes simples et de décisions en faveur de soi.

En quoi la confiance favorise la relation ?

L’estime de soi est le fondement d’une attitude créative face à la vie. Tout ce qui favorise la confiance en soi facilite l’ouverture et l’élan vers l’autre, donc la relation.
Une personne qui connaît sa juste valeur, ses forces, ses faiblesses, entre dans une dynamique féconde : elle trouve plus facilement, plus rapidement, des solutions aux questions qui ne manquent pas de surgir dans toute relation, même à son travail. Avant, tout lui paraissait insurmontable. Lorsqu’elle se retrouve, détendue, assouplie, alors l’existence lui paraît plus simple. Plus encore, elle est à même d’anticiper certaines évolutions qu’elle sent se dessiner ou qu’elle souhaite induire en accord avec son désir.
La confiance est le regard porteur qu’un être pose sur soi-même. Ce regard est optimiste, encourageant, bienfaisant.

Quels sont les bénéfices de la confiance ?

Ils sont très nombreux. La confiance est un sentiment fondateur : elle permet d’oser, de se risquer, d’inventer, de chercher, et même lorsque ce sera possible ou nécessaire, de se lancer dans l’action. Etre confiant permet de mieux accueillir, écouter, percevoir…

Voici quelques-unes des conséquences bénéfiques de l’estime de soi :

- un meilleur discernement : faire la part des choses entre ce qui vient de soi et ce qui vient de l’autre, ce qui concerne un comportement ponctuel et ce qui concerne une identité profonde ;
- une moindre confusion : dans la relation, les singularités de chacun vont pouvoir s’exprimer sans être étouffées ou nivelées par peur de la différence ;
- une plus grande indépendance : moins se sentir sous le couperet du regard ou du jugement des autres pour exprimer sa pensée, mettre en œuvre un projet ;
- la fin de la fusion, qui lie l’initiative personnelle à l’assentiment d’autrui ;
- un peu plus de détachement et d’humour : relativiser ses conflits et ses échecs est vital pour repartir serein et confiant dans l’avenir ;
- une meilleure communication : du moment où les émotions, les ressentis, les convictions de chacun sont acceptés, et même valorisés, la communication est plus libre, plus riche.

Quels sont les principaux freins à la confiance en soi ?

Il y en a tellement… Par exemple :
- le perfectionnisme : la peur de l’imperfection, la recherche de « toujours » faire bien ou de « toujours » faire mieux ;
- les préjugés : se persuader que l’on sait les choses d’avance ;
- le fatalisme : « tout est déjà écrit », « ce qui est arrivé devait arriver » ;
- la plainte : faire porter à l’environnement la responsabilité de ce qui n’aboutit pas, ou ne change pas, ou ne s’inscrit pas dans l’action, voir tout en noir, décourager l’autre ou miner son enthousiasme ;
- les modèles : aucune personne ne peut correspondre complètement à un modèle, aussi complexe soit-il ; lorsque l’on donne la primauté au modèle, il y a souffrance à cause du décalage entre ce que l’on vise et ce que l’on est, puis dépréciation de soi-même ; il est plus constructif de sortir des cadres rassurants et d’avoir foi en ses intuitions…

Est-il possible de cultiver la confiance en soi, en l’autre, en la relation ?

Bien sûr ! Comme tout ce qui permet d’aller de l’avant, il s’agit d’une décision, d’un choix. « Pratiquer la confiance » est plus une fréquentation de ce (ceux) que l’on aime, plutôt qu’une discipline. La volonté ne peut rien sur nos sensations, nos émotions, notre histoire, nos désirs. En fait, il convient plus de trouver peu à peu pour soi-même, pour l’autre, pour la relation, une attitude juste et appropriée qui nourrisse le quotidien. Il existe une idée centrale pour favoriser une relation : lorsque je parle, je parle de moi ; lorsque j’écoute, je laisse l’autre parler de lui. J’ajouterais que si je m’apprête à faire un reproche, il vaut mieux que je prenne le temps de me demander si, ce reproche, je ne me l’adresse pas intérieurement à moi… Beaucoup de nos critiques nous concernant en premier lieu. Si j’apprends à mieux p’apprécier, je serais plus détendu avec les autres. C’est très concret et comme c’est simple, je peux le pratiquer tous les jours. Il ne s’agit pas d’exercice : encore une fois, il s’agit d’aptitude et d’attitude juste.

En quoi s’engager dans une psychanalyse favorise la confiance en soi ?

Apprendre à mieux se connaître permet de mieux s’accepter, de mieux s’aimer. Si, peu à peu, je laisse de côté tous les jugements sur mon histoire, mon existence et sur moi-même, je me sens mieux dans ma vie. Si je donne du sens aux événements marquants de mon existence, je me réapproprie ce que j’ai vécu, je le fais mien. Je réalise ainsi de grands pas en avant vers une meilleure estime de moi-même, et bien entendu une meilleure ouverture vers le monde et vers les autres. Comment cela se passe ? Le psychanalyste écoute, il accueille ce que vous lui dîtes. Ce sera peut-être la première fois de votre vie qu’une ou plusieurs fois par semaine pendant environ une heure, un être humain fait silence et se met complètement à votre écoute. Voici déjà une expérience nouvelle et bénéfique, profondément réconfortante. Par ailleurs, le psychanalyste désire vous entendre : il laisse résonner en lui vos propos, leur sens profond, leur portée, les émotions et sentiments qu’ils transmettent, pour s’en donner une image et une idée précises qu’il vous restituera. Vos vécus intimes et singuliers vont être non seulement reconnus, mais aussi nommés, donc validés.

Cette expérience-là est profondément structurante, elle donne corps à votre histoire. Enfin, le psychanalyste, avec votre aide, va chercher à vous comprendre, à mieux cerner avec vous, vos attentes, vos désirs, vos choix : là encore, il s‘agit d’une aventure unique qui ouvre de réelles perspectives dans le quotidien. Nul doute, qu’après un certain temps, ayant vécu répétitivement de telles expériences humaines, vous développez une meilleure confiance en vous. Ainsi vous vous considérez autrement, vous portez sur l’existence un regard neuf et vous mettez en œuvre des ressources personnelles jusqu’alors inexploitées…

Vous avez dit qu’il était bon de penser à soi… mais alors le « narcissisme », est-ce positif ou négatif ?

Aujourd’hui, la plupart de nos contemporains ont le tort d’utiliser les mots du vocabulaire technique de la psychanalyse comme des condamnations ou des insultes. Il s’agit d’ailleurs souvent de tentatives de prise de pouvoir en rabaissant l’autre. Telle personne est « hystérique » (vous avez remarqué comme cela s’adresse presque exclusivement aux femmes ?). Tel autre est « caractériel », « mytho », « parano », « schizo », je ne sais trop quoi encore. Tout cela constitue une véritable pollution mentale et relationnelle. Alors, être « narcissique » est désormais une vilaine injure…

De quoi s’agit-il, en fait ?

L’écoute de l’être humain, chaque fois singulier, n’autorise pas à faire de généralités. Freud parlait de « narcisme » (Narzissmus). Il a élaboré cette notion entre 1911 et 1914. Le narcisme désigne l’investissement libidinal de sa propre personne et surtout de « l’idée » que l’individu se fait de lui-même. Il ne s’agit pas de dénoncer l’amour de soi, au contraire, mais le danger de se rapporter au monde comme si le réel ne pouvait être appréhendé qu’à travers l’illusion des apparences.

Si je me sens exister uniquement dans le regard des autres, par leurs appréciations, avis, opinions, jugements, leurs autorisations, leurs complaisances ou leurs complicités, je suis sans cesse soumis à la nécessité de m’adapter à leurs demandes. A l’inverse, si je m’appuie sur mes ressentis (sensations, perceptions, émotions, etc.) pour construire mon sentiment d’identité et élaborer une pensée personnelle, je ne dépends plus des autres : je peux entrer en relation libre et paritaire avec eux.

Alors, l’amour de soi n’est pas un défaut ?

Loin de là, il favorise même l’amour de l’autre. Si Narcisse se noie dans l’étang où il se contemple, c’est dans le vide du regard déserté de lui-même qu’il se perd, de ne pas avoir été aimé, pour se relever, se tourner vers le monde et être fécond. C’est d’avoir été nié par son père et délaissé par sa mère. L’importance inconsidérée du miroir n’est qu’un leurre, une compensation aussi illusoire qu’une drogue. L’enfant qui n’a été ni considéré, ni même regardé par ses parents, se vit comme un objet, inerte et voué à la mort.

Ce dont chacun manque le plus, ce n’est pas de protections, d’alibis, de prétextes, de modèles, de croyances, d’interdits, ni même d’idées, de savoir et de savoir-faire, mais d’amour, cette énergie vitale que les Grecs ont nommée Eros. C’est une force de vie, qui dans la sphère publique ou amicale revêt le nom d’Agapé, forme que prend l’amour en dehors des alcôves, mais qui garde la même vigueur, le même mystère et le même mouvement vers l’avenir.

L’amour, comme le courage, viennent du « cœur » ; or pour le Tao, « le courage est la foi dans la validité de sa réalité intérieure comme une force pour agir dans le monde ».
C’est peut-être la seule phrase à retenir, et à tenter de mettre en œuvre, dans un contexte où les réalités profondes et subtiles du cœur sont trop souvent occultées…

Publication proposée par : Tomasella Saverio

Saverio Tomasella est psychanalyste, membre de la Fédération des ateliers de psychanalyse et de l’Association européenne Nicolas Abraham et Maria Torok.

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