Sexualité sans amour, amour sans sexualité

par Karin Reuter


L’amour est une énergie extraordinaire : on ne peut ni la contenir ni la définir, mais on peut la goûter, la sentir et la reconnaître. Exquise et extatique, elle ne laisse aucun doute quant à sa présence. Et quand on aime, personne ne peut nous en dissuader. L’amour nous donne des ailes, dit-on, et rend possible même l’impossible. C’est avec cette délicieuse énergie que nous sommes tout d’abord en contact lorsqu’on se lance dans l’aventure humaine que l’on nomme couple. Elle est à la fois notre nature profonde et notre raison d’être. Pourquoi alors tant d’espoirs déçus, tant de faux bonds, et pourquoi l’amour prend-il si fréquemment l’apparence d’une bataille rangée ?

Obsession et répression

Notre sexualité, comme tout autre aspect de notre vie, est imprégnée de notre passé ou plutôt de tout ce qui n’est pas « passé ». Ces histoires inachevées nous poursuivent sous forme de traits négatifs qui sont autant d’attitudes figées là où l’élan de vie devrait se manifester avec grâce et fluidité. Et ces traits vont se traduire sur une échelle qui va de l’obsession à la répression : dans un cas comme dans l’autre, l’énergie vitale est bloquée par excès ou par manque. Deux exemples.

« Harry passe sa vie à courir après les femmes. En tournée pendant de longs mois, ce musicien ne manque pas d’occasions, en général quand la troupe s’arrête dans une ville. Quand il renonce aux tournées pour emménager avec son amie, il a beaucoup de difficultés à ne pas imaginer sa prochaine conquête. Chaque fois qu’il sort pour aller à une soirée, se promener dans un parc ou manger au restaurant, il repère les femmes qui pourraient faire l’affaire. Avec sa longue expérience, il est devenu expert pour repérer les signaux émis par les femmes : il sait toujours quand il est temps de se lancer. Harry a le profil classique du drogué sexuel : il a besoin de se « shooter » même si les rapports extra-conjugaux menacent grandement son couple. Il prétend qu’il ne peut pas faire autrement. Plus le risque est grand, plus cela l’excite.

Myrna, de son côté, est ce qu’on pourrait qualifier une « anorexique sexuelle ». A 28 ans, elle n’a eu que 4 rapports sexuels avec deux amants différents. Amoureuse de ses partenaires, elle s’est fait larguer vite fait bien fait. Le cœur brisé, elle s’est juré de ne plus jamais se laisser avoir. Elle canalise toute sa créativité dans sa carrière publicitaire. Pourtant, elle n’est pas heureuse. Elle sent bien qu’une relation affective a plus d’importante que son travail. Elle a envie de fonder une famille. » * [1]

Une misère sans nom

Harry est coupé de ses sentiments, Myrna, de sa sexualité. L’un est obsédé par le sexe, l’autre le réprime. Tous deux sont perdants. S’ils pouvaient connecter leur sexualité avec leur cœur, leur vie sexuelle serait un merveilleux moyen de glorifier le corps amoureux. Voilà donc deux exemples de troubles de l’appétit sexuel, l’un par boulimie, l’autre par anorexie, sans parler du cortège de troubles tristement classiques : frigidité, impuissance, absence de désir ou de plaisir, éjaculation précoce, déviations sexuelles comme la pédophilie, l’exhibitionnisme, l’inceste, le viol et tant d’autres. Que dire aussi de tous ces hommes et ces femmes qui vivent leur sexualité comme une honte au nom même de leur vie spirituelle, ou à l’inverse qui donnent libre cours à leurs pulsions dans une débauche d’ébats sans amour. Dans tous les cas, il semble que l’élan vital soit comme interrompu ou détourné, avec toute la misère que cela implique. Cette misère secrète a pourtant un nom : la misère sexuelle faite de manque. Notre nature est d’aimer, et lorsque la sexualité ne remplit plus sa fonction première qui est d’exprimer l’amour, nous sommes dissociés, divisés en deux.

Que faire ?

Dieu merci, cette coupure est loin d’être inéluctable : il est presque toujours possible de restaurer notre élan de vie. Qu’elle soit longue ou rapide, la guérison passe par la reconnaissance de nos blessures et le deuil d’attitudes qui nous ont peut-être coupé de la douleur pendant tout un temps, mais aussi coupé de nous-mêmes. C’est bien la fonction des mécanismes de défense de nous protéger, mais comme toute chose, cela a un prix, et en l’occurrence, le prix à payer ici est très cher : nous priver ou de notre amour, ou de notre sexualité. La culpabilité, la peur, la perte d’identité sexuelle, l’absence de plaisir voire la violence sont autant de façons de nous faire payer ce qui est un droit de naissance : celui d’exprimer l’amour avec notre corps… et celui de l’autre.

Dans une approche thérapeutique intensive comme le processus Hoffman, chacun est invité à identifier l’une après l’autre toutes les traces que peut laisser le manque d’amour dans sa vie, y compris dans ses relations intimes. Il y a souvent, derrière des messages dévalorisants ou destructeurs, beaucoup de non-dits et beaucoup de peur transmis tout au long de la lignée familiale. C’est parfois une agression sexuelle qui nous a meurtri, mais on sait aujourd’hui que ce n’est pas la violence en elle-même qui est blessante, ce sont les conclusions que l’on en tire sur soi-même et sa propre dignité. Au cours du processus Hoffman, les accompagnateurs soutiennent chacun dans la révision de ce qui n’est parfois plus qu’un simulacre de vie amoureuse et dans le rejet sans compromis des comportements qui le font souffrir, le tout avec à la fois une extrême délicatesse et beaucoup de lucidité. C’est tout un travail magnifique de réconciliation avec soi-même et avec sa propre histoire.

Dans d’autres approches individuelles ou en couple, les patients vont redécouvrir l’intimité, d’abord avec leur propre corps, en la dissociant de toute exigence de performance sexuelle. Ils réapprennent avant tout la sensualité, le droit au plaisir, avant de pouvoir le partager avec un ou une partenaire. La guérison profonde survient quand on s’ouvre là où l’on s’était fermé, et que l’on retrouve la joie d’exprimer sa virilité ou sa féminité de façon naturelle. L’amour ne s’exprime pas qu’à travers le canal sexuel, mais lorsque cette porte peut à nouveau être empruntée librement, on s’aperçoit que vie spirituelle et sexuelle ne sont que deux facettes d’une même réalité.

- Karin Reuter
Psychologue clinicienne et psychothérapeute

[1Exemples tirés du livre de Tim Laurence « Quatre étapes pour commencer à vivre - Les atouts du processus Hoffman », Editions du Souffle d’Or.

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