Six travailleurs de terrain, majoritairement psychologues, confrontés aux réalités du radicalisme musulman proposent des pistes d’analyse et de prévention.
D’un chapitre à l’autre, il est autant question des jeunes radicalisés ou en voie de déradicalisation que de leurs familles, des mécanismes de l’emprise ou de la violence que de ceux du deuil, des disparus que des returnees et du rôle de l’islam que de celui de l’Occident...
D’illustrations concrètes en repères théoriques, de zooms en panoramiques, les auteurs s’efforcent de proposer du radicalisme musulman – et plus généralement des radicalismes qui polarisent nos sociétés démocratiques – une image qui restitue toute sa complexité sans pour autant donner dans la langue de bois.
Nous avons pris le parti d’ouvrir la réflexion menée par notre ouvrage avec l’interview de Saliha Ben Ali, un interview centré sur les motivations qui auraient pu pousser son fils Sabri à s’engager dans le djihadisme et à partir en Syrie. On retrouvera son témoignage dans les chapitres signés par Evelyne Josse.
Un grand point commun entre ces différents groupes est qu’ils ouvrent tous la possibilité de la violence, au bout d’un processus de déshumanisation dont Evelyne Josse détaille les étapes au chapitre 2 : déshumanisation, perte de la capacité de sympathie et de compassion, désengagement moral, désaffiliation du groupe d’appartenance, etc.
Avant d’aller plus loin, il nous a paru nécessaire de cartographier la nébuleuse djihadiste, au sein de laquelle coexistent des groupes de natures assez diverses qu’on aurait tort de confondre, car même s’ils collaborent parfois sur le terrain, ils ne fonctionnent pas de la même manière. Et nous croyons que beaucoup de polémiques entre intellectuels relèvent d’une confusion entre différentes catégories de groupes.
Tim Stroobandt reprend le tableau ou plutôt la question sous l’angle psychosocial : les causalités psychologiques individuelles ou même familiales sont tout aussi impuissantes que les causalités sociologiques à expliquer le processus de radicalisation, c’est la conjonction des deux approches qui semble la plus pertinente.
Le chapitre 5 essaie de nouer toutes les notions déjà abordées, au propre comme au figuré puisqu’il s’appuie sur le concept de “maillage” proposé par le psychanalyste P. Benghozi pour rendre compte de la façon dont l’ensemble de nos liens nous servent de contenant psychique. À partir de là, se pose au cas par cas la question de savoir quel lien a fait défaut dans la vie d’un individu, expliquant son engagement dans le djihadisme et en quoi cet engagement est une tentative de “remaillage”. Dans la continuité de cette question, je découperai l’embrigadement en trois étapes : séduction, destruction et clivage.
Avec la notion de destruction apparaît le thème du traumatisme et son corollaire, le deuil, dont Evelyne Josse propose une première définition au chapitre 6. Elle détaille ensuite différentes modalités de deuil pre-mortem, indispensable à mettre en place avec les parents au stade de l’embrigadement.
Nous avons choisi d’enchaîner avec la sacralisation de la violence, qui complète le portrait du djihadiste en cartographiant, cette fois, l’islam qui, on l’ignore trop souvent, est extrêmement divisé. R. Benzine dénonce un double déni des observateurs du radicalisme islamique, entre ceux qui considèrent que la violence serait consubstantielle de l’islam et ceux qui refusent d’envisager en quoi l’islam participerait si peu que ce soit à la radicalisation de jeunes qui sont parfois d’authentiques “bleus, blancs, belges”. C’est ce double déni qu’Amal Toufik a essayé de dénouer, contribuant ainsi à restituer toute sa complexité à la problématique du radicalisme de type islamique.
À certains égards, le chapitre 8 propose une synthèse de notre ouvrage. J’y utilise un outil sémantique, le schéma actantiel, dans le but de rendre compte des différents trajets de radicalisation en termes de quête identitaire. J’en profite pour montrer comment certains proches alimentent involontairement l’emprise du recruteur sur la recrue, et propose à ces proches et aux intervenants quelques pistes pour sortir de l’impasse.
Au chapitre 9, Evelyne Josse reprend le thème du deuil, cette fois post-
mortem : quoi que cherchait le jeune en Syrie ou ailleurs, il a trouvé la mort… Pour lui, c’est terminé ; pour ses proches, c’est un nouveau calvaire qui commence.
Quant au chapitre 10, la psychologue Stéphanie Parete nous y fait part de son expérience clinique avec les returnees, population à laquelle nous serons de plus en plus confrontés, car d’une part la chute de Daesh promet un certain nombre de “retours”, d’autre part les prisons belges sont pleines de returnees qui vont retrouver leur liberté dans les deux à trois années à venir.
Ils ne reviennent pas tous, loin s’en faut. Or, qu’y-a-t-il de plus terrible à vivre que de perdre son enfant ? Il est totalement antinaturel de survivre à son enfant. Evelyne Josse termine, avec le chapitre 11, son tour d’horizon des différentes figures du deuil, et évoque quelques chemins de résilience.
Histoire de ne pas conclure sur une note tragique, nous avons décidé de consacrer notre dernier chapitre à quelques conseils s’adressant aux proches et aux intervenants entourant le jeune radicalisé ou en voie de radicalisation. Ces conseils, je les ai conçus dans la continuité du chapitre 8, en espérant, “Avoir été peut-être utile / C’est un rêve modeste et fou”.
Evelyne Josse est psychologue clinicienne, psychothérapeute en libéral, maître de conférences associés à l’Université de Lorraine (Metz), formatrice en hypnothérapie à l’École belge d’hypnose et à l’Association, formatrice en psychotraumatologie à l’Institut français d’EMDR, chargée de cours en psychotraumatologie à l’Université libre de Bruxelles.
Jean-Claude Maes est psychologue clinicien, psychothérapeute adultes-couples-familles au Centre de consultations et de planning familial Marconi (Bruxelles), formateur et superviseur, président de SOS-Sectes (Bruxelles) et de SOS Inceste Belgique, chargé de cours en thérapie familiale à l’Université de Toulouse II, en victimologie à l’Université libre de Bruxelles et pour Paris V.
Saliha Ben Ali est la fondatrice de SAVE BELGIUM – Society Against Violent Extremism, une association sans but lucratif ayant pour objet la lutte contre toutes formes de radicalisation violente. Mère de quatre enfants, travailleuse sociale durant vingt ans dans une association caritative catholique, elle se consacre aujourd’hui entièrement à la lutte contre les extrémismes violents depuis le décès de son fils Sabri parti faire le djihad.
Stéphanie Parete est psychologue clinicienne, formée en victimologie appliquée à l’Institut belge de victimologie (Bruxelles), psychologue au sein du Centre d’aide et de prise en charge de toute personne concernée par tout radicalisme et extrémisme menant à la violence (Bruxelles), étudiante au sein du Centre d’étude du terrorisme et du radicalisme à l’Université de Liège.
Tim Stroobandt est psychologue clinicien, social et interculturel, formé en victimologie et psychotraumatologie, doctorant en psychologie des organisations et des institutions à l’Université libre de Bruxelles. Il est responsable des accompagnements de toute personne concernée par la radicalisation et le terrorisme au sein du Relais enfants-parents, une association qui oeuvre au maintien du lien familial en milieu carcéral dans onze prisons bruxelloises et wallonnes.
Amal Toufik est une psychologue formée en victimologie et en hypnose eriksonienne. Elle peut par ailleurs se prévaloir d’un master post-universitaire sur l’islam dans le monde contemporain (UCL) et est chargée des projets à SAVE Belgium.
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