Dans le cadre de la psychothérapie par le Souffle, nous proposons aussi une approche très spécifique encore peu connue du grand public : les « jeux de passage ».
Comment s’opèrent pour vous les passages de la vie ? Face au nouveau, y allez-vous en confiance ? Craignez-vous toujours le pire ?
Confronté à l’obstacle avez-vous tendance à foncer ou reculez-vous, craignant l’impuissance, voire attendant que d’autres vous tirent de là ?
Et, a priori, l’autre sera-t-il pour vous un soutien, un obstacle ou, autre vécu, une absence ?
Et si notre manière d’affronter les changements et notre style relationnel trouvaient déjà leurs origines dans le vécu du ventre maternel et dans la façon dont nous le quittons ?
En concret, les jeux de passage se réalisent avec un matériel simple : des couvertures, des coussins, des tunnels en tissus, des tunnels en tissus soutenus par des arceaux (rembourrés pour ne pas être blessants).
La personne est invitée à apprivoiser le tunnel, elle se tient à une extrémité couchée en boule dans des couvertures. Dans un premier temps nous l’invitons à ressentir ce qui se passe pour elle à l’idée de faire cette traversée. Nous lui proposons ensuite d’entrer dans le tunnel (par des poussées, pressions rejouant les contractions utérines). Dans le tunnel : prendre son temps, de se sentir, de sentir sa respiration, de s’y installer pendant que nous nous positionnons debout, à l’autre extrémité. Lorsque la personne le désire, elle rampe jusqu’à la sortie (ramper, pas aller à quatre pattes) et nous opposons une résistance avec nos mains sur sa tête, ses épaules, son corps lors de son passage. En fonction des situations, les jambes de l’accompagnateur peuvent aussi participer à cette résistance. La résistance sera suffisante pour permettre à la personne de sentir une présence, un contact, une pression, une réelle résistance et elle sera impérativement surmontable pour ne pas lui imposer un sentiment d’impuissance et d’être éventuellement « re »traumatisée. Les différentes situations, les différents vécus auront le lieu pour s’exprimer ici (corporellement).
La personne est accueillie à la sortie par le thérapeute sur un confortable matelas. Le rythme de la personne est respecté, elle peut recommencer à souhait l’expérience- si elle le souhaite et en moduler les variations ou le thérapeute peut proposer des variantes : « je te propose de le faire plus lentement et de bien sentir... » si le passage a été trop rapide en lien parfois avec une naissance provoquée ; « je te propose de te bloquer un peu plus » si le premier passage était « trop » facile.
Ce travail peut se faire tant avec les adultes qu’avec les enfants.
Les jeux de passage proposent un espace et un moment où est rendu accessible une (ré) expérimentation d’une métamorphose touchant à l’archaïque.
La possibilité de recontacter l’empreinte de nos origines, d’abord notre vécu de fœtus dans le ventre de notre mère, recontacter ensuite le processus de notre naissance grâce à notre mémoire corporelle et conscientiser comment ce premier passage a influencé tous nos passages ultérieurs, notre rapport au changement. Ce passage premier peut aussi prédéterminer ce que nous attendons des autres, notre style relationnel .
C’est la remise en contact avec les étapes de ce cheminement que nous avons tous vécu à notre manière (plus ou moins naturelle, plus ou moins traumatique...).
Notre vécu est la rencontre de notre réalité structurale essentielle de mammifère et de notre réalité autobiographique.
La sortie du tunnel peut symboliser la sortie du ventre maternel. Dans notre progression reptatoire, nous recontactons : le déclenchement, le travail, la sensation d’être prêt, bousculé, contraint, extrait, paisiblement, en urgence, la lutte contre la résistance- suffisante ou pas ou insurmontable- « insurmontée ». Puis l’expulsion, l’accueil, les conditions de l’accueil dans toutes ses variations...
Chacune des micros étapes a pu se décliner selon une myriade de nuances et de variations.
Il s’agit ici de laisser son mental de côté et de s’ouvrir à l’expérience pour ré-éprouver ce qui a été vécu avant même les mots.
Il s’agit d’accueillir ce que l’on ressent que ce soit une nouvelle sensation ou le réveil de mémoires cellulaires.
Sentir ce qui nous a, peut-être, manqué ou brusqué ou.... Et, à partir de là, choisir ce qui, maintenant, dans notre corps, est juste pour nous !
Nous l’autoriser avec l’aide, la présence de l’Autre, bienveillant qui nous accompagne, nous encourage, nous guide, nous laisse expérimenter en sécurité. Ce travail nous permet de revivre notre histoire pour, l’apprivoiser, nous l’approprier ...
Cette métamorphose peut aussi concerner d’autres changements de notre vie : une phase à laquelle on accède en laissant derrière nous une ancienne.
Un cheminement, une étape, un passage... Il y a un avant « le tunnel » et un après. Une forme de mort-renaissance...l’enjeu est vital !
Là, le lien avec le travail du Souffle est évident : centré sur notre souffle, nous sommes totalement dans le présent, même si une petite part de notre esprit ne peut s’empêcher de « nous » observer dans ce présent, nous sommes guidé dans et par nos sensations.
Il ne s’agit pas de « savoir » ce que nous avons besoin de faire, mais, de le sentir et d’accueillir ce qui se passe et laisser faire le mouvement qui suit.
Il s’agit de vivre, dans son corps tout entier, ce passage, quel qu’il soit. Les mots viendront peut-être après - ou pas-, des sons, un chant...
Même si mettre des mots rassure parfois et peut permettre de fixer sur un autre registre l’expérience traversée, nous ne sommes pas à ce niveau d’être, à ce moment-là.
L’usage du non-verbal, comme le dessin d’un mandala, permet cette expression, en restant dans le ressenti. La prise de conscience de notre respiration nous révèle aussi ce cycle/passage : avant-pendant-après... Chaque cycle respiratoire nous transforme et nous recentre, nous donne l’opportunité́ de coïncider avec nous-même.
Le travail du souffle, la séance de « respiration », est aussi une invitation à une traversée d’une rive à l’autre.
Le passage dans le tunnel peut être le revécu dans le ventre maternel avec sa dimension archétypale : quel fut mon nid ? Historique, ressenti, raconté, fantasmé... Quelle est la place du projet d’enfant dans le couple parental ? Comment ai-je été accueilli(e) ? Le thérapeute est à la fois « ventre », « filière de passage », résistance et accueil...
La répétition des passages fait écho à l’attachement sécure selon Bowlby. Repasser encore et encore... Jusqu’à saturation du besoin. Besoin d’être capable, d’être compétent, d’être respecté dans son tempo, d’être accompagné, d’être accueilli, être reconnu, vu...
C’est impressionnant d’expérimenter la sensation de vulnérabilité extrême, de « nudité », d’épuisement que nous pouvons ressentir à la sortie du tunnel.
Et de l’accueillir !
Accueillir l’accueil du thérapeute (ou/et du groupe), sa présence, sa chaleur, ses sons...
Il s’offre alors à nous la possibilité de création d’un nouveau lien entre nous-même et notre enfant intérieur. Cette étape est profondément libératrice. Ce nouveau lien a été permis par les mouvements du corps, le lâcher-prise, le contact (toucher et étreinte par l’accompagnant lors du passage), l’accueil, la confiance, les permissions, les bras, parfois la berceuse...Mais, c’est nous, adultes libres d’aujourd’hui qui l’avons co-créé !
Nous sommes face à notre pouvoir créateur !
Afin d’exprimer tout le spectre coloré de l’attachement que l’expérience du jeu de passage offre à apprivoiser, il nous parait indispensable d’évoquer le « détachement ».
Le détachement comme « désencombrement », laisser de coté ce qui n’est pas –ou plus- essentiel, laisser la place vide pour que puisse émerger une autre dimension qui nous dépasse. « La petite étincelle de l’Âme ». Petite étincelle ravivée par le Souffle, point de dialogue entre nous et cette autre dimension.
Lorsque je parle de détachement, je sens en toile de fond, le détachement présenté par Maitre Eckhart, ce mystique du 14 ème siècle et pourtant extraordinairement contemporain. Pour lui, le détachement est le chemin, la condition nécessaire, permettant la rencontre de cette dimension qui nous dépasse, et non réductible à un nom, et nous-même.
Ici, en toute humilité, nous voyons une démarche analogue : se détacher de notre histoire, de nos étiquettes, de nos expériences archaïques, corporelles, émotionnelles pour enfin se rencontrer. Pour se découvrir au-delà de « tout cela ». Nous sommes bien plus que : « poids de naissance 2982gr », « double circulaire », ou prématuré à 35 semaines... ou ... « non désiré », « non accompagné... », même si ces expériences nous ont profondément marqués.
La proposition est après avoir – inconsciemment, consciemment, corporellement, artistiquement, verbalement- rencontré ces différents liens, se permettre de se détacher.
Par exemple : « Je n’ai pas été accueilli(e) à ma naissance d’un point de vue biographique », je peux, par l’aide des jeux de passage, de cette mise en scène et répétition jusqu’à la transformation, saturer mon besoin. J’expérimente autre chose : « je peux être accueillie maintenant, je suis « accueillable », je suis en lien avec mon enfant intérieur. Je m’accueille. »
La proposition pourrait s’exprimer par « saturer l’expérience, l’accueillir complètement jusqu’à en permettre le détachement ».
Et, enfin, s’accueillir dans ce que nous sommes pleinement, dans notre être aimable inconditionnellement, dans notre nature profonde.
« Pour quitter un lieu, il faut d’abord s’y rendre », pour reprendre l’adage connu. Pour quitter notre conditionnement, il faut d’abord y aller, en toute sécurité ; c’est cela qu’offrent les jeux de passage.
Est-ce chaque fois possible ? Peut-on toujours réparer le lien de soi à soi ?
Nous sommes, actuellement, incapables de répondre à cette question. Nous croyons profondément en tant que thérapeutes que nous pouvons en avoir l’intention. Nous pouvons le prendre pour credo ; l’afficher derrière soi. Et puis, une part ne nous appartient pas. Il y a une part de tempo, de moment « juste », de « sécurité́ suffisante », et une autre part que certains appelleraient « grâce ». Notre travail est d’être dans la conscience de cette intention, de mettre des choses en place, de laisser émerger et d’accueillir.
Lorsque cette « grâce » opère, le lien avec le thérapeute se détache progressivement aussi. Il s’intériorise. Nous sommes devenus notre propre thérapeute, nous avons acquis, expérimenté cette liberté là.
Au niveau historique : William EMERSON psychothérapeute étatsunien pionnier dans le champs de la psychologie pré et périnatale invité en 1994 par Marguerite JORIS fondatrice de l’association Renaitre (première association professionnelle à former le rebirth en Belgique). Il a présenté à l’association Renaitre la méthode « des jeux de naissance » qu’il a élaboré pour aborder le vécu archaïque autour de la naissance.
Ce travail fut ensuite largement déployé par Monique Somers (psychomotricienne et thérapeute par le Souffle-membre fondateur de l’APS- aujourd’hui décédée) avec les enfants, leur famille et aussi avec des adultes.
Cette approche a aussi été développée et adaptée pour les bébés par Brigitte Dohmen et son équipe de sages-femmes et d’accompagnateurs à la préparation affective de la naissance.
Enfin, Marie-Françoise Louche (psychologue, psychothérapeute, membre fondateur de l’APS) a conceptualisé plus spécifiquement la forme des « jeux de passage » comme nous vous la présentons actuellement dans le cadre de la psychothérapie par le Souffle avec des adultes.
En pratique, ces « jeux » nécessitent au moins trois séances pour un processus complet.
Des informations complémentaires et les adresses des praticiens se trouvent sur le site de l’association des praticiens du Souffle (www.praticiensdusouffle.be).
Malonne, le 25 mai 2025
Marie-Françoise Louche et Pascale Pierret
Psychothérapeutes par le Souffle, membres de l’APS
www.praticiensdusouffle.be
Psychothérapie par le Souffle - Belgique
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Drève de la Meute, 3 - 1410 - Waterloo
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http://www.praticiensdusouffle.be