Dossier : Thérapie Narrative

Prendre soin des conséquences des traumas

par Michael White


Prendre soin des conséquences des traumas

Il y a des manières contemporaines de comprendre la douleur psychologique et la détresse émotionnelle résultant de traumas qui éclipsent les nombreuses complexités et particularités de l’expérience traumatisante vécue par les gens et l’expression de leur expérience.
Certaines de ces manières de comprendre relient de façon "naturelle" et linéaire le trauma et la douleur psychologique/détresse émotionnelle, et ceci peut mener à ne pas saisir pleinement les conséquences des conversations thérapeutiques.

Les conversations thérapeutiques sous-tendues par ces manières contemporaines de comprendre les choses peuvent contribuer à construire un sentiment de soi sensiblement fragile ou vulnérable, et à laisser les gens avec l’impression vive que leur personne est toujours susceptible d’être offensée d’une manière contre laquelle on les presse justement de se défendre. Ceci ferme les options d’action que les gens pourraient avoir concernant les situations difficiles de leur vie et diminue leur sentiment de savoir se diriger dans la vie en général.

D’autres façons de prendre en compte... 
 
Il y a d’autres manières de comprendre la douleur psychologique et la détresse émotionnelle résultant de traumas qui prennent en compte ces complexités et particularités, et qui portent l’attention sur la responsabilité qu’ont les thérapeutes à façonner des conversations thérapeutiques qui contribueront à construire un sentiment de soi "robuste" plutôt que "fragile". Il s’agit de développer un sentiment de soi qui :
- de l’avis des gens, est plus respectueux de leur vie ;
- ouvre des options d’action pour les gens concernant les situations difficiles de leur vie ;
- et renforce leur sentiment de savoir se diriger dans la vie en général.

5 points seront évoqués :
- 1. La douleur comme témoignage
- 2. La détresse comme hommage
- 3. La douleur et la détresse comme proclamation de réaction
- 4. L’expression de la douleur et de la détresse comme mouvement
- 5. La douleur psychologique et la détresse comme éléments d’héritage
 

 1. La douleur comme témoignage 

 La douleur psychologique permanente résultant d’un trauma dans l’histoire de vie des gens peut être considérée comme un témoignage de l’importance de ce que la personne tenait pour précieux et qui a été violé pendant l’expérience du trauma. Cela peut inclure :
- des buts de vie chers ;
- des valeurs et des croyances prisées concernant l’acceptation, la justice et l’équité ;
-  des aspirations, des espoirs et des rêves estimés ;
-  des visions morales de comment les choses pourraient être dans le monde ;
-  des promesses, vœux et engagements importants concernant les attitudes dans la vie, etc.

Si la douleur psychologique peut être considérée comme un témoignage de tels buts, valeurs, croyances, espoirs, rêves, visions morales et engagements, alors l’intensité de cette douleur peut être considérée comme un reflet du degré de préciosité de ces états intentionnels chez les gens.
Les conversations thérapeutiques offrent un contexte qui permet d’identifier, de ressusciter et de reconnaître richement ces compréhensions. C’est dans ces conversations que les gens ont l’occasion d’expérimenter le fait de faire un avec un éventail de conclusions identitaires positives qui supplantent nombre de "vérités" identitaires négatives dans lesquelles ils s’étaient laissés entraîner en conséquence des traumas qu’ils avaient subis.
 

 2. La détresse comme hommage 

 La détresse émotionnelle quotidienne résultant d’un trauma dans l’histoire des gens peut être considérée comme un hommage à leur capacité à maintenir une relation avec tous ces buts, valeurs, croyances, aspirations, espoirs, rêves, visions et engagements tenus pour précieux -avec leur refus d’abandonner ou d’être séparé de tout ce qui a été si puissamment maltraité et avili dans le contexte du trauma, de ce qu’ils révéraient et continuent de révérer.

Si une telle détresse émotionnelle peut être considérée comme un hommage à la détermination des gens à maintenir une relation avec ce qui a été puissamment maltraité et avili dans le contexte du trauma, alors l’intensité de cette détresse peut être considérée comme un reflet du degré de préciosité de ce que la personne a continué à révérer et avec quoi elle a maintenu une relation.

Les conversations thérapeutiques offrent aux gens un contexte pour reconnaître leur refus d’abandonner ce qui a été si puissamment maltraité et pour explorer leurs compétences à maintenir une relation avec ces états intentionnels, ce qui peut sensiblement rehausser leur sentiment de qui ils sont et de quoi il est question dans leur vie.

 3. La douleur et la détresse comme proclamation de réaction

 Explorer la description précise de ce témoignage et de cet hommage peut fournir une base pour identifier les réactions des gens au trauma qu’ils ont subi.

Les gens réagissent toujours aux crises dans leur vie, même quand ces crises sont le résultat d’un trauma, dans des circonstances où ils sont relativement impuissants à échapper au contexte ou à mettre fin à ce qu’ils sont en train de subir.

Ces réactions, que l’on peut considérer comme des actes de réparation façonnés par les états intentionnels des gens, sont rarement repérées et reconnues, et souvent ridiculisées et diminuées dans le contexte du trauma. En conséquence, les gens accordent rarement de valeur ou de sens à ces réactions qu’ils ont amorcées.

Cette manière de comprendre les choses peut fournir une base pour explorer dans quelle mesure la douleur et la détresse des gens est aussi une proclamation de leur réaction au trauma qu’ils ont subi. Dans les conversations thérapeutiques, ce que la personne tenait pour précieux et a continué de révérer peut devenir connu, et ceci fournit la base d’un recueil d’information sur ce qui a façonné sa réaction à l’épreuve qu’elle traversait. Ce type de recueil d’information met l’emphase sur les actions que les gens entreprennent et qui reflètent l’exercice de leur influence personnelle en accord avec leurs états intentionnels et c’est parfois, de prime abord, complètement hypothétique.
 

 4. L’expression de la douleur et de la détresse comme mouvement 

 Dans notre monde contemporain, les manières de comprendre l’expression humaine sont invariablement façonnées par une longue tradition de pensée dualiste. Par exemple, les considérations sur l’expression humaine sont systématiquement façonnées par des dualités sensation/signification, affect/cognition, émotion/pensée. Lorsqu’on remet en question cette tradition de pensée, il devient possible d’accueillir l’idée que toutes les expressions de vie sont des unités de sens et d’expérience, et que toutes ces expressions façonnent ou constituent la vie. Les expressions de vie peuvent être considérées comme des mouvements qui transportent la vie, des mouvements par lesquels les gens deviennent autres qu’ils étaient.

Quand l’expression de la douleur psychologique et de la détresse émotionnelle est prise dans le type de compréhension dualiste décrite ci-dessus, ces mouvements de vie sont rarement repérés et reconnus et il en résulte qu’ils prennent la forme d’une série « d’à-coups ». Dans ce cas, la possibilité que ces mouvements aient des effets significatifs et durables dans la vie des gens est perdue et il est très probable que les gens vont en tirer un sentiment que leur vie est gelée dans le temps.

Quand l’expression de la douleur psychologique et de la détresse émotionnelle peut être comprise comme une unité d’expérience et de sens qui façonne ou constitue la vie, la porte s’ouvre pour un recueil d’information qui identifie et décrit richement le lieu où cette expression amène les gens dans leur mouvement de vie. C’est au moyen de tels recueils d’information que l’aspect « transportant » de cette expression peut être reconnu et que ce qui ne serait autrement qu’une série d’à-coups, peut être introduit dans des thèmes qui ont des effets durables. C’est dans le contexte d’un tel recueil d’information que les gens tirent un sentiment que leur vie se déroule dans le sens de leur direction préférée.
 

 5. La douleur psychologique et la détresse comme éléments d’héritage

 
 La douleur psychologique et la détresse émotionnelle peuvent être comprises comme des éléments d’un héritage exprimés par des gens qui, face au manque de réceptivité du monde qui les entoure, restent déterminés à ce que le trauma qu’eux-mêmes et d’autres ont traversé ne soit pas pour rien -les choses doivent changer en raison de ce qu’ils ont traversé. Grâce à cette compréhension, malgré l’absence d’une reconnaissance plus étendue que les choses doivent changer, ces gens deviennent des gardiens qui ne laisseront pas tomber le sujet et qui restent en garde contre des forces visant à atténuer leur expérience et risquant de reproduire le trauma dans la vie d’autres personnes.

Dans le contexte des conversations thérapeutiques, et en engageant la participation de témoins extérieurs dans ces conversations, il est possible d’honorer de manière significative l’héritage exprimé par la doubleur psychologique et la détresse émotionnelle et de le partager avec d’autres. La manière dont les gens s’appuient sur leur expérience intérieure du trauma lorsqu’ils reconnaissent ce que d’autres ont traversé et qu’ils leur répondent avec une compassion qui touche leur vie et qui fait émerger un sentiment de solidarité, peut aussi être reconnu de manière significative.

De plus, ces conversations thérapeutiques peuvent fournir un contexte pour reconnaître fermement comment ces gens, par l’expression de leur douleur et de leur détresse en relation avec le trauma, invitent les autres à être plus déterminés dans les positions qu’ils prennent vis-à-vis de ce qui est équitable et juste et de ce qui ne l’est pas.

Michael White


Michael White est, avec David Epston, le créateur de la Thérapie Narrative.
La thérapie narrative est le dernier né du courant dit de la troisième vague des thérapies brèves qui inclut également la thérapie orientée vers les solutions. Michael White et David Epston, sont deux psychologues australiens. Bien que pratiquée depuis le début des années 1980, la thérapie narrative n’a été connue publiquement qu’ à partir de leur livre "Narratives Means to Therapeutic Ends" publié en 1990. L’essentiel du présent texte est tiré du livre "Narrative Therapy" de Freedman et Combs, deux américains qui ont contribué à vulgariser cette approche en Amérique du Nord.

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