Un adage énonce que tous les dix ans un changement majeur se produit dans la vie d’une personne.
Chacun sent bien qu’il change au jour le jour. Mais la progression de ces changements les rend imperceptibles à notre conscience.
Seuls les changements majeurs, vécus ou pressentis, absorbent notre attention. Nous les qualifions de majeurs par jugement subjectif. Et aussi parce que des tiers proches peuvent observer les bouleversements qu’ils apportent dans notre présent et leurs conséquences dans notre futur.
Nos rythmes
La statistique biologique nous apprend que toutes les cellules de notre corps, sauf certaines spécialisées (structures neuronales particulières, cellules hépatiques, ...), se renouvellent entièrement tous les sept ans.
Sept ans : nous ne sommes pas loin du compte des dix ans. Sept changements de sept ans nous amèneraient ainsi à la cinquantaine, âge critique et point de rencontre de ces cycles de changements biologiques et de ceux énoncés par l’adage populaire.
Nous savons bien que ces changements majeurs et les nouvelles directions qu’ils nous font prendre, dans notre vie intérieure et dans ses manifestations là où nous évoluons, peuvent aussi se produire à la trentaine, à la quarantaine, ou à la cinquantaine….
Ou parce qu’un événement inattendu, parfois brutal, les a déclenchés.
Ces changements sont induits par les ruptures avec une situation antérieure. Mariages, séparations, deuils, changements de style de vie, accidents de santé, déménagements lointains, évolutions ou interruptions professionnelles, prises de conscience personnelles, départ à la retraite etc. sont à l’origine de transitions de vie les plus importantes.
Celles qui posent impérativement la question : « Et après ?... »
Dans certains cas aussi la vie est un « long fleuve tranquille » et peut être vécue comme telle. Avec parfois son lot d’ennuis et de déperditions de nos potentialités créatrices qui amènent la prise de conscience angoissante d’un certain vide.
Accélération, transformation
Pourtant cela paraît de plus en plus rare dans un monde où les situations auxquelles nous sommes confrontés se trouvent accélérées, dans un mouvement fou, par les transformations sociales, économiques, technologiques, culturelles. Sans que l’on ait le temps de reprendre son souffle.
Les flux d’information qui nous annoncent ces transformations, les amplifient, les déforment et nous en submergent ne nous laissent pas le temps de comprendre, d’intégrer ou de rejeter les événements. Cette houle nous influence, transforme les critères de fond de nos jugements et de nos actions, nous font parfois perdre nos repères. Accrochez-vous solidement au toboggan si vous ne voulez pas être éjecté.
Le temps se comprime, devient denrée rare. Les palm-pilot fleurissent et règnent sur l’urgent.
L’espace se rétrécit. Paris n’a jamais été aussi proche de Hong-Kong ou de Los Angeles. Londres décide une fermeture des centres de distribution et tous les collaborateurs des établissements français et de ceux de Toronto l’apprennent dans les deux minutes qui suivent en lisant, les uns leurs « mels », les autres leurs « courriels ».
La tendance est alors de réagir au présent, dans un effort d’adaptation effréné aux contraintes qui fusent de toutes parts. D’où stress, réactions somatiques, insatisfactions et autres désordres dommageables pour la personne. Les DRH ont déjà mis ce thème de travail à leur programme.
Aussi, se donner un temps d’arrêt sur le palier, où nous arrivons, c’est s’offrir la possibilité de se réapproprier la direction de fond de sa vie. Notre vie, cette entreprise concernant notre personne et son devenir, l’« Entreprise de Soi », celle qui englobe tout ce que nous entreprenons, le vaut bien. Une fois au moins dans son parcours, et avant qu’il ne soit trop tard.
Reprendre contact avec soi
N’est-il pas nécessaire, à ce moment, de reprendre contact avec la vision de notre monde idéal, avec nos critères et nos valeurs centrales, de les établir ou de les hiérarchiser différemment ? De retrouver aussi ce qui forme le noyau de notre identité ? De remettre en cause des schémas comportementaux mis en place sous la pression de nos environnements ?
« Soyez réactifs », est une injonction leitmotiv dans l’entreprise. Elle présuppose que l’on a accepté d’être soumis à la pression des environnements professionnels, d’y réagir. A réagir aux contraintes on n’est plus maître de soi. On n’a plus l’initiative de l’action, on perd toute liberté. Réfléchir à l’ « Entreprise de Soi » c’est s’ouvrir aux possibilités de la proactivité. « Soyez proactif », vous soufflent les tenants de l’ « Entreprise de Soi ». Agissez à partir de votre espace de ressources.
Au décours d’un tel travail, nous pouvons évaluer les écarts entre ce qui nous motive, ce qui nous fait réellement courir dans la vie, et ce que nous faisons actuellement. Chacun peut se poser les questions suivantes : « Quelle est ma manière, dans le présent, de remplir mon « portefeuille d’activités » personnelles, professionnelles ou autres ? Quelle cohérence entre mes valeurs de fond et mes actes dans la réalité ? Quelles satisfactions tout cela m’apporte-t-il ? »
Que faire aussi du désir de renouer avec des rêves anciens, estompés, lointains ? Les rapprocher du présent et donner corps à ceux qui sont nés dans notre jeunesse, c’est puiser dans une source de motivation puissante pour le futur. Sous quelle forme actuelle vont-ils trouver leur place dans l’« Entreprise de Soi » ?
Quelles seront les ressources nécessaires et quels processus, quels modèles, va-t-on mettre en œuvre dans ces phases de transition ?
Dans la littérature de ces dernières années ont bourgeonné de nombreux ouvrages, philosophiques, techniques ou méthodologiques sur l’approche de cette question. Il en est de bons, il en est même d’excellents pour ceux qui se la posent.
Mais si l’on est tenté par l’aventure, un ouvrage de navigation ne suffira pas pour apprendre à mener sa barque. Tout le monde vous dira qu’il faut alors monter sur le pont, tirer sur les cordages, hisser les voiles et apprendre à gouverner sur les étoiles. Trouver sa bonne étoile deviendra alors un enjeu crucial.
Un accompagnateur ou Life-Coach
Dans ce voyage, le skipper serait le « life coach », l’accompagnateur des transitions. Il lui serait demandé alors plus qu’une dynamisation des compétences ou des performances nécessaires pour tracer sa route dans ce monde de turbulences décrit ci-dessus. Il pourrait nous aider à reconnaître nos motivations de fond, celles qui s’accrochent à notre identité ou, au delà, à cette vision d’un monde idéal enfouie en nous. Il pourrait nous aider ainsi à éclairer ou à silhouetter le long terme de notre « Entreprise de Soi ».
Un changement majeur tous les dix ans dit-on ? Doit-on, le sachant, laisser à la houle des circonstances le soin de nous pousser vers des rivages non choisis ou préfère-t-on orienter ses voiles vers des horizons où s’exprimeraient autonomie, responsabilité de soi, équilibre et choix de développement décidés librement.
Christian Espinosa, ancien DRH d’un Gd groupe, Coach et consultant