Figure mondiale originale et remarquable de la psychanalyse contemporaine, elle qui aimait tant la vie l’a quittée après 91 années d’aventures et de créativité. L’auteure d’entre autres Dialogue avec Sammy, Plaidoyer pour une certaine anormalité, Théâtres du Je, Théâtres du corps, et d’Eros aux mille visages s’en est allée.
Toute sa vie, elle fut une analyste passionnée par la clinique et le souci de ses patients, et l’histoire de sa vie accompagne un siècle de psychanalyse. Vraie femme d’exception, par son intelligence du cœur, sa finesse, son ouverture et sa curiosité à tout ce qui faisait l’humain, elle avait le goût de la fête et de l’audace pionnière.
Venue du bout du monde, elle a traversé notre siècle et navigué avec élégance et discrétion entre les mondes de la psychanalyse. De la Nouvelle Zélande à Londres puis Paris, de Winnicott, Anna Freud et Mélanie Klein à Lacan et autres pionniers, elle était comme une “virtuose du lien” : « Quand je suis arrivée en France, j’ai voulu établir des liens avec l’Angleterre. C’est comme ça que j’ai fait venir plusieurs personnes dont Margaret Mahler, Anna Freud, D. Winnicott, Hannah Segal, etc. » Jouant ainsi un rôle-charnière entre Londres et Paris, une conjoncture exceptionnelle l’a jetée au cœur de deux cultures analytiques, chacune vivant un moment-clef de son histoire.
Loin de toute orthodoxie, ne craignant pas d’emprunter à des sources diverses et d’innover elle-même, elle disait avec simplicité et conviction :
« Je suis contre les chapelles qui empêchent les gens de penser. Je crois qu’on peut apprendre de tout le monde. »
Au fil des années, Joyce deviendra une clinicienne reconnue dans le monde anglophone, francophone et latino-américain, pour son talent et sa manière de mener des cures avec une finesse inouïe. Invitée aux quatre coins de la planète, elle ne cessera de donner des conférences, toujours prête à changer de lieu et à s’ouvrir à de nouveaux récits. Elle aimait le théâtre, la peinture, la littérature, la danse, les objets baroques et les pratiques corporelles en tous genres. C’est ainsi que nous avons été amenés à l’inviter à Psycorps lors d’une nos journées d’étude consacrée à la question du sexe de l’analyste, et sa présence reste toujours vivace en nous.
Joyce McDougall, dont l’œuvre est publiée chez Gallimard, était une clinicienne d’une sensibilité rare, tout en demi-teinte, capable d’écouter avec humour, humanisme et naïveté les tourments d’une existence, sans jamais se départir de l’essentiel de ce qu’est l’éthique de la cure.
Bien qu’ayant débuté sa carrière avec l’analyse du petit Sammy, ce n’est pas en tant qu’analyste d’enfants que Joyce allait déployer la palette de ses recherches, même si la relation à l’objet primaire a été la toile de fond de sa réflexion. Dans un livre admirable, publié en 1978, Plaidoyer pour une certaine anormalité, elle eut le courage de dénoncer ce qu’elle appelait la normopathie (pathologie de la norme) et de montrer que ceux que l’on qualifiait de pervers ou d’anormaux pouvaient aussi être à l’origine d’une véritable créativité pour la psychanalyse et pour la société.
Elle a publié une série d’ouvrages novateurs, et quels que soient leurs thèmes, la présence subjective de l’auteur et la fluidité de son style font de leur lecture un bonheur constant. Leur unité profonde découle peut-être de la consistance de leur assise clinique : avant tout, ils restituent, avec une sorte d’évidence, l’intimité de la situation analytique. Le lecteur se sent en prise directe avec la séance et il s’identifie profondément aux deux protagonistes. La qualité de l’évocation découle, pour une bonne part, de la référence fréquente à l’implication de l’analyste.
Habitée par le souci de l’autre et se montrant toujours très attentive et ouverte, elle acceptait toutes les différences d’origine, d’orientation, d’appartenance ou d’opinion. Se méfiant des étiquettes, elle voyait au-delà du symptôme l’effort inlassable du Sujet pour se rassembler, se découvrir, s’accomplir. Accompagnant ses patients de son « écoute lumineuse » qui ne s’encombrait pas de discours savant, elle les suivait inlassablement jusque dans leur trouvailles interdites ou impossibles.
Celle qui pouvait dire à ses analysants adultes,
« Vous êtes venu à votre séance un petit enfant à la main ; peut-être avons-nous vous et moi à l’écouter, car nous avons beaucoup à en apprendre, et à en prendre soin »,
traduisait ainsi à sa façon la règle fondamentale et la division intrapsychique que Freud mit au cœur de sa méthode.
Sa présence habitée, son humanisme et la profondeur des liens qu’elle entretenait avec ses patients étaient harmonieusement équilibrés avec l’humour, l’intelligence, la créativité audacieuse et la grâce qu’elle déployait au cours de ses analyses. Et son objectif ultime pourrait se résumer en un de ces raccourcis dont elle avait le secret :
« Il faut trouver ce qui est vrai pour soi. Après tout, c’est le but de l’analyse de découvrir sa vérité et ses vérités. Il y en a trente mille. »
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