Et si on réfléchissait à l’envers ?

Par Marina Blanchart


Et si on réfléchissait à l'envers ?

Alors évidemment étant donné qu’on réfléchit déjà trop, la question de réfléchir à l’envers peut sembler assez étrange…

Souvent, je dis à mes patients combien nous, êtres humains, sommes handicapés par cet esprit qui nous amène à anticiper, à revivre des choses difficiles, à ruminer des colères ou des « j’aurais du lui répondre ceci ou ça ! »…

Pourtant là, je vous propose de vous prendre la tête, mais à l’envers…

Je vous le propose par rapport à un problème auquel vous êtes confronté, choisissez-le d’abord, avant de lire la suite de ce texte… avec un enfant, un conjoint, au travail, avec des amis, personnel (sommeil, manque d’audace pour prendre la parole, rougissements…)… Ça y est ? Vous l’avez ?
Bon, n’allez pas me trouver un truc énorme où il faudrait absolument un regard extérieur et 10 ans de thérapie pour le traiter (je rigole, 10 ans de thérapie, c’est pas du tout mon genre, vu ma pratique en thérapie brève stratégique), mais quand même ne prenez un truc pas trop costaud pour la première fois. Quand vous serez échauffé, vous vous attaquerez à du plus lourd !

Parfait ! Ecrivez le en une phrase…

Impeccable !! Bon, souvent le problème est un peu centré sur l’autre. Genre : « ma belle-mère est envahissante ou mon mari sort trop… ». Ce n’est pas grave ! On va partir de là ! Si ce n’est pas le cas, c’est bien aussi…

Pourriez vous repérer et noter, s’il vous plaît, toutes les réactions que vous avez par rapport à votre problème.
Cela peut aller de « je prends une tisane pour m’endormir » à « je hurle sur ma belle-mère qu’elle arrête d’appeler 6 fois par jour son petit chéri qui est grand maintenant à 48 ans !!! » en passant par « je m’interdis les aliments sucrés » ou « je supplie mon mari de ne pas encore rester à la troisième mi-temps après le foot »…

Après cette phase, il y a un premier bilan intéressant…

Soit vous n’avez rien trouvé et là, je vous propose d’essayer d’arrêter ce problème qui vous fait souffrir, plutôt que de le subir… Encore que, sans doute, n’est-il pas si douloureux voire vous y trouvez des avantages, sinon vous auriez déjà tenté de le stopper. Quand belle-maman garde systématiquement les enfants pour vos sorties ou s’ils sont malades, cela vaut bien la peine de mordre un peu sur sa chique pour préserver ce confort… Tout à un prix et les babysitters aussi !

Soit vous avez une liste plus ou moins longue de réactions inefficaces sinon le problème serait résolu…
Vérifiez toutefois en passant la liste en revue du début à la fin quelle est l’efficacité de chacune de ces réactions…
Quand je parle d’efficacité, je parle à moyen et long terme… Il est évident que d’arrêter le sucre vous amène à perdre du poids, mais si chaque régime se clôture par une phase de boulimie aigue ou non mais qui vous fait reprendre tous ces kilos perdus, alors, pour moi, c’est inefficace ! Si dire oui à tout le monde vous permet d’éviter de décevoir, cela semble efficace, sauf si à terme, vous vous retrouvez épuisé et du coup, en risque de décevoir tout le monde…
A nouveau, plusieurs scénarios : soit certaines de ces réactions sont un peu efficaces à moyen ou long terme et je vous encourage à vous y accrocher, soit aucune ne fonctionne !

Maintenant, je vais vous demander de noter les exceptions au problème s’il y en a… ce n’est pas toujours le cas, mais réfléchissez-y et surtout notez ce que vous aviez fait à ce moment-là de différent.

Enfin, et c’est à cet instant précis qu’on va commencer à réfléchir à l’envers, posez vous cette question : « que puis-je faire, moi, pour aggraver la situation ? »
Et vraiment plongez un peu à l’intérieur de vos derniers souvenirs de cette situation et imaginez comment vous pourriez rendre les choses plus difficiles : comment je peux encore plus avoir peur ? Comment je peux amener ma belle-mère à vouloir encore plus intervenir chez moi ? Comment je peux encore plus m’enfoncer dans mon insomnie ? Comment je peux encore plus dégouter mon fils de se mettre au travail ?

Faites donc une belle liste… d’actions ou de réactions plausibles, de choses que vous pourriez réellement mettre en œuvre, pas d’idées assez légitimes, mais que vous ne feriez pas à cause de certaines conséquences : tuer ma belle-mère, torturer mon fils (encore que parfois sans le savoir, on le fait un peu…).

C’est bien évidemment cette question qui a le plus d’intérêt, car elle vous permet de vous rendre compte de comment vous avez du pouvoir sur ce problème, ce qui en soi déjà intéressant pour certains problèmes pour lequel on se dit : « mais qu’est ce que j’ai fait pour mériter un cancre pareil, moi qui était si intéressée et passionnée par l’école, moi qui adorais étudier juste pour faire plaisir à ma maman et parce que c’est vraiment trop intéressant l’école à 15 ans… »
Parce qu’évidemment, souvent, si on peut aggraver quelque chose, c’est qu’on a du pouvoir pour l’influencer et même si donner le goût de l’étude à un passionné de PS3 n’est pas évident, vous pouvez certainement faire en sorte d’augmenter les tensions liées au problème à la maison, donc vous avez une possibilité d’agir autrement…
Vous pouvez aussi vous dire qu’en faisant plus régime, vous risquez d’aggraver l’effet yoyo bien connu…

La question suivante sera de comparer les deux listes : celle de ce que vous faites en réaction au problème avec celle de ce qui peut aggraver et déjà, cela peut vous donner quelque pistes de ce qui nourrit le problème actuellement…
Pour ceux qui ont lu l’article sans faire les étapes, c’est dommage, car si vous êtes ici, ce ne sera pas la même chose à appliquer.
Il est effectivement intéressant souvent de constater que ce qu’on essaie face au problème correspond en partie à ce qui pourrait justement l’aggraver (je repousse ma belle-mère qui du coup, se montre plus insistante encore pour se sentir reconnue, je fais les devoirs avec ma fille qui du coup, ne voit pas pourquoi elle les ferait seule, je questionne mon mari par jalousie et du coup, je le saoule et il s’éloigne…)

A ce stade, un nouveau choix se présente à vous :

Préférez vous continuer à réagir de manière inefficace à moyen terme, mais plus confortable à court terme ou bien préférez vous résoudre le problème à moyen terme ?
Cette question peut sembler idiote et on peut se dire que tout le monde choisirait la deuxième proposition, mais en réalité, ce n’est pas si certain ! (cfr « changer ou ne pas changer »), car le changement a un prix et on n’est pas toujours prêt à le payer…

Si on veut aller plus loin et seulement pour ceux qui veulent changer tout au moins la relation à leur problème, car on ne change pas sa belle-mère ni le fait de rougir, l’approche stratégique propose de faire un virages à 180° et de réagir de la manière inverse à celle qui permet le maintien du problème, d’arrêter de nourrir le problème de nos réactions aggravantes (hurler sur mon fils, m’empêcher de rougir…), de bloquer toutes ces choses qui non seulement ne fonctionnent pas, mais au contraire renforcent la problématique. Un praticien de l’approche stratégique peut vous accompagner, mais vous pouvez déjà tenter de l’appliquer par vous-même… Expérimentez…

Tentez ce virage, goûtez au changement… même si tout le problème n’est pas résolu, si vous agissez autrement, la situation ne peut pas continuer comme avant, c’est « systémiquement » impossible !

Marina BLANCHART dirige le Centre VIRAGES (www.virages-formations.com). Master en psychologie clinique (1995), Formée en thérapie brève à l’Institut Gregory Bateson et à Paris avec l’équipe de Giorgio Nardone. Elle exerce comme thérapeute et propose également des supervisions individuelles et collectives.

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