L’accompagnement (coaching, thérapie) est avant tout un art du questionnement. Un art délicat : la question est-elle au service de l’accompagnant, de son processus, de son diagnostic ? Ou bien vise-t-elle avant tout à restaurer la fierté, la dignité du client ? Comment poser des questions qui remettent l’autre en position d’auteur de sa vie ? Des questions puissantes et poétiques, qui l’invitent à explorer des territoires oubliés et lumineux de son histoire… afin de dé-couvrir son identité « préférée ». Telle est l’intention des pratiques narratives, (et d’un livre tout entier consacré à cet art du questionnement ). Un art qui s’apparente au décollage d’une fusée pour envoyer vos questions dans le ciel étoilé du client…
« Veux-tu me raconter un moment où tu as réussi à faire face à « agression verbale » ? Pourquoi penses-tu que « mélancolie » a choisi de te recruter ? Qu’est-ce que ces larmes disent de ce qui est précieux pour toi dans cette situation ? Qui ne serait pas étonné de t’entendre parler avec passion d’Isidore (ton chat) ? ».
Ces questions sont dites « narratives » car elles invitent le client à redevenir auteur ( et non pas acteur ) de son histoire, exactement comme le personnage d’un roman.
« Chacune de nos questions peut ouvrir un nouveau monde et changer la vie de nos clients » nous dit David Epston, le cofondateur de la thérapie narrative et inventeur de l’affûtage de questions. Voilà une grande responsabilité pour le coach ou pour le thérapeute narratif qui chemine avec son client dans les paysages accidentés de ses histoires et de son identité !
Il y a quelques temps, dans un séminaire d’affûtage de questions, nous avons comparé cet art du questionnement aux étapes du décollage d’une fusée : car une question puissante permet de propulser la réflexion du client vers de nouveaux espaces et de nouvelles possibilités de considérer sa vie et ses choix.
Une « bonne » question qui prend en considération des ingrédients précis : l’intention, la formulation, la scénarisation, l’interprétation et comment toujours garder le contact avec la base « Allo Houston ».
Qu’est-ce que j’ai envie de savoir ?
Contrairement aux approches psychopathologiques (qui mettent la lumière sur le problème du client, ses causes, ses remèdes) le thérapeute narratif a une intention forte : celle que son client retrouve son sentiment d’initiative personnelle et qu’il soit en mesure de construire un récit alternatif résistant à son histoire de problème.
Dans ce processus, il se place résolument en posture de non-sachant, dépourvu de recours aux diagnostics, autorisé à être momentanément perdu et sans réponses. Cependant, bien éloigné d’une posture « neutre » il assume d’être aussi influent, garant du processus, être celui qui ramène son client sur le rivage, loin des effets du problème.
Cette posture de non-expert repose sur une conviction : seul le client est expert de sa situation, et possède, cachées en lui, les expériences qui lui permettront de réparer son histoire, d’épaissir une histoire alternative. Mener une conversation narrative, c’est être totalement centré sur l’autre, émerveillé par son histoire et renoncer à avoir une question d’avance : l’écoute narrative est émotionnelle, ce sont les mots-lumières qui émaillent le récit de votre client, ceux qui vous pincent le coin du cœur qui vous amènent à la question suivante.
Exemples :
Une question puissante ouvre des zones de silence.
C’est une question que votre client ne s’est jamais posée, qui lui permet tranquillement un temps d’exploration de territoires inconnus de son histoire. Un temps suspendu, bien éloigné des réponses automatiques et habituelles.
Le praticien narratif dispose d’un métier à tisser à 3 branches qui permet le tissage d’une histoire alternative à l’histoire de problème à travers 3 paysages : action, identité et relation. Il nous invite en compagnie de notre client à une flânerie sensible à la découvertes de ses valeurs, espoirs, intentions ( paysage de l’identité), des personnes importantes de sa vie ( paysage de la relation ), de moments concrets et d’anecdotes ( paysage de l’action ). Et ce, en partant, et revenant régulièrement, de l’expérience concrète du client, dans le paysage de ses actions passées, présentes et futures.
Exemples :
Une question puissante emmène le client dans une histoire dont il est le héros, loin du territoire archi-connu et plombant du problème.
Le thérapeute narratif, comme le raconte poétiquement Chris Beals à propos de ses observations du travail de Michael White et David Epston, est celui qui, comme dans les dessins animés, dessine sur le mur du cul-de-sac une porte qui s’ouvre vers la liberté. Les questions narratives recréent un imaginaire littéraire et poétique -donc émotionnel- là où les raisonnements compulsifs de la raison raisonnante ont stérilisé toute notion de beauté et de mystère, donc l’idée même que la vie puisse être une aventure.
Exemples :
C’est la façon dont vous allez délivrer votre question comme un cadeau jusque dans les oreilles de votre client, avec votre voix, votre posture physique, votre regard, etc.
L’interprétation est employée ici au sens de l’interprétation théâtrale d’un acteur et non pas au sens de la recherche des différentes significations d’un texte.
Cela passe par :
Exemple :
Questionner dans l’accompagnement, c’est aussi garder le contact avec la base, conduire une méta-conversation, une conversation sur la conversation, qui chemine parallèlement et au même rythme que la conversion principale et s’intéresse à l’expérience vécue par le client au fil des échanges.
Exemples :
En conclusion
Poser un bonne question c’est avant tout se débarrasser de l’idée de poser une bonne question, c’est ciseler des questions qui sortent vos clients de la tragédie et co-écrire avec eux un roman passionnant dont ils se découvrent les héros, résistants, dignes et vibrants.
Australiennes et néo-zélandaises de naissance, les pratiques narratives ont été mises au monde dans les années 1980-1990, entourées de la curiosité, de la créativité, de l’engagement professionnel et de l’amitié de Michael White et David Epston, tous deux thérapeutes psycho-sociaux et pionniers de cette approche littéraire qui soigne les histoires. Baignées dans l’esprit d’aventure, animées par les légendes de leurs racines, porteuses d’ un profond désir de justice sociale pour les minorités, elles se colorent de différents courants de pensées, de la french theory au constructionnisme social en passant par la sociologie, l’anthropologie, le flot des thérapies systémiques et de l’approche Ericksonienne. Expérimentées dans le creuset des thérapies familiales, elles accostent dans notre culture au début des années 2000. Accueillies dans le milieu du coaching français d’abord, elles vont ensuite être invitées sur les territoires des soins psychiatriques et psychothérapeutiques. Aujourd’hui, elles se fraient un chemin dans une multitude de contextes et viennent enrichir toutes les pratiques professionnelles qui concernent l’accompagnement des personnes. |
Véronique Schermant est coach à Bruxelles (Uccle). Dans mes accompagnements, j’aime réveiller chez les personnes et les équipes les belles histoires encore endormies
Coach Narratif
Coaching professionnel ( membre EMCC )
Créatrice des cartes de photos-langage Baobab
Co-créatrice du Laboratoire narratif, 1ère école de pratiques narratives à Bruxelles
10 avenue de la Floride
1180 Bruxelles ( quartier Montjoie )
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