La dernière version du projet de décret en Conseil d’État relatif à l’usage du titre de psychothérapeute, rend la loi… inapplicable, elle donc inacceptable sous sa nouvelle forme profondément remaniée par rapport au projet présenté lors de la seconde et dernière réunion de concertation générale au ministère, en date du 7 avril 2006.
Le Ministre Xavier Bertrand à fait parvenir la dernière version du projet de décret aux associations. Celles-ci réagissent fermement. Voici les lettres ouvertes adressées aux Ministre de la santé par la FF2P et PsY en mouvement.
par le Dr Michel Meignant médecin, psychothérapeute, président de la FF2P ex-président de l’Association Européenne de Psychothérapie
et Serge Ginger psychologue clinicien, psychothérapeute, secrétaire général de la FF2P
président de la Commission européenne d’Accréditation des Organismes de Formation à la Psychothérapie
au nom des 21 membres du Conseil d’Administration de la FF2P représentant 63 associations et organismes de psychothérapeutes
Monsieur le Ministre,
Nous vous remercions d’avoir bien voulu nous faire parvenir - par M. Bernard Basset, sous-directeur (sous-direction Santé et Société) - la dernière version du projet de décret en Conseil d’État relatif à l’usage du titre de psychothérapeute, pris en application de l’article 52 de la loi n° 806-2004 du 9 août 2004.
Conformément à votre demande, nous vous faisons part des remarques de notre CA sur ce projet.
Elles se résument en deux mots : ce projet de décret dit « d’application » rend la loi… inapplicable, et nous le considérons donc comme inacceptable sous sa nouvelle forme - profondément remaniée par rapport au projet présenté par vous-même, en personne, lors de la seconde et dernière réunion de concertation générale au ministère, en date du 7 avril 2006 (la troisième réunion de concertation partielle du 15 juin concernait uniquement le statut des associations de psychanalyse).
Pendant trois ans, jour après jour, notre Fédération nationale représentative a tenu à maintenir une collaboration régulière et loyale avec les Pouvoirs publics - dont nous partageons pleinement les soucis de protection du public, de qualification des professionnels et de lutte contre d’éventuelles infiltrations sectaires. Nous avons régulièrement participé à plusieurs échanges bilatéraux, ainsi qu’à chacune des réunions de concertation multilatérales que vous avez proposées ; nous vous avons communiqué très régulièrement de nombreux documents de travail circonstanciés et chiffrés, concernant l’état des lieux de la psychothé rapie en France et en Europe, ainsi que plusieurs ouvrages récents sur ce thème (voir ci-dessus « ouvrages de référence »).
Nous avions réussi jusqu’à présent à tempérer l’inquiétude de milliers de profes sionnels et de millions d’usagers, confiants dans la compétence des élus et des pouvoirs publics. Ainsi, les décideurs ont été tenus informés en détail des réalités du terrain - parfois éloignées de certaines élaborations universitaires, théoriques et abstraites.
Force nous est de constater que le projet de décret qui nous est présenté aujourd’hui ne tient guère compte de ces réalités, mais obéit surtout à des considérations politiques : il nous déçoit profondément et traduit pour nous l’échec d’une coopération souhaitable - et longtemps souhaitée. Nous en sommes vivement affectés et nos milliers de membres sont en train de perdre confiance.
Voici neuf raisons principales qui ne nous permettent pas de souscrire à ce nouveau projet de décret. Nous en développerons l’argumentation dans la partie suivante de ce rapport :
Contexte politique ;
Non conformité au texte de la loi ;
Non protection du public ;
Infiltrations sectaires ;
Déficit de la Sécurité sociale ;
Contradiction avec les directives européennes en préparation ;
Absence de mesures transitoires ;
Psychothérapie essentiellement « curative » de pathologies mentales, et non « préventive » face à des souffrances existentielles ;
Carence de lieux de stages publics spécialisés.
1) Contexte politique
Ce projet nous semble constituer une sérieuse maladresse politique à l’approche
d’échéances électorales importantes : en effet, il va provoquer la colère justifiée de plusieurs milliers de professionnels - qui se sentiront menacés de chômage - et l’inquiétude justifiée de plus d’un million de citoyens, actuellement en cours de psychothérapie auprès de profes sionnels qualifiés - soudain remis en question, alors même que les usagers se disent satisfaits à 87 % des traitements reçus (voir plus loin la toute récente enquête nationale).
2) Non conformité au texte de la loi
Ce projet est en contradiction flagrante avec le texte de la loi du 9 août 2004 - qui ne fait aucune distinction entre les professionnels « visés aux deuxième et troisième alinéas », quant à la formation en psychopathologie clinique.
3) Non protection du public
Ce projet détourne l’esprit de la loi, élaborée laborieusement au cours de cinq
« navettes » parlementaires : elle avait pour objet de protéger le public contre quelques charlatans insuffisamment formés et contre quelques « gourous » sectaires. Or, dans sa forme actuelle, le projet de décret ouvrirait la porte du titre de « psychothérapeute » à des personnes n’ayant aucune formation spécifique, ni en psychothérapie, ni même en psychopathologie - tels que certains médecins non psychiatres, des psychologues non cliniciens, etc., mettant ainsi en danger évident des usagers fragiles.
4) Infiltrations sectaires
Le projet de texte actuel favoriserait l’infiltration sectaire éventuelle parmi des profes sionnels agréés par l’État : en effet, les représentants des psychanalystes ayant refusé, à juste titre, toute définition juridique du champ des associations de psychanalyse, tout mouvement sectaire pourrait créer de toutes pièces une nouvelle association Loi de 1901, avec un titre usurpé de « psychanalyse », ouvrant ainsi la porte à un « effet pervers » et à des abus, difficiles à contrôler.
5) Déficit de la Sécurité sociale
Ce projet creuserait de manière sensible le déficit chronique de la Sécurité sociale, en encourageant le recours à des médicaments psychotropes, faute de professionnels qualifiés en psychothérapie proprement dite, en nombre suffisant. Or chacun sait que la France est déjà « championne du monde » de cette surconsommation coûteuse (3 à 4 fois plus que les pays voisins) - et présentant parfois des risques d’accoutumance et d’effets secondaires. (voir « Rapport Zarifian » et Rapport parlementaire du 15 juin 2006).
6) Contradiction avec les directives européennes en préparation
Le projet de texte actuel isolerait la France de toute la Communauté internationale puisqu’il serait en contradiction évidente avec le projet de Directive européenne, inspiré par le Certificat Européen de Psychothérapie (CEP, 1997), et prévoyant l’harmonisation d’une formation spécifique de haut niveau en psychothérapie, incluant un « travail sur soi » (psycha nalyse ou psychothérapie personnelle), une longue formation théorique et méthodologique (dont la psychopathologie - enrichie en permanence par les études de cas et la supervision constante), une supervision ou contrôle régulier de la pratique clinique, ainsi qu’un engage ment déonto logique.
7) Absence de mesures transitoires
Le projet actuel est inacceptable car il n’évoque plus explicitement de mesures transitoires pour les professionnels qualifiés en fonction - dont la plupart sont âgés de 40 à 60 ans, ont en moyenne 13 ans d’expérience, sont chargés de famille, et ne peuvent envisager d’interrompre leur activité pour entreprendre 1 000 heures de formation universitaire (sans équivalences prévues !), complémentaires aux 4 à 7 années d’études spécialisées déjà effec tuées (comprenant une psycho pathologie appliquée), confortées par une longue pratique supervisée (la supervision profes sionnelle permanente et la formation continue obligatoire font partie du Code de déontologie spécifique des psychothérapeutes). Il est habituel qu’une loi ne soit pas rétroactive et qu’elle soit assortie de mesures d’ajustement transitoires, selon ce qu’il est convenu d’appeler « la clause du grand père »
8) Psychothérapie essentiellement « curative » de pathologies mentales, et non « préventive », face à des souffrances existentielles
Dans l’ensemble des pays civilisés, et ce depuis plus d’une vingtaine d’années, la psychothérapie s’est développée en grande partie comme une activité de soutien à des crises existentielles courantes (deuil, séparation, difficultés sexuelles, conflit conjugal, familial ou professionnel, souffrances liées aux échecs scolaires, stress, licenciement, chômage, etc.), sur demande des patients ou clients eux-mêmes, ainsi qu’en cas de catastrophes naturelles ou humaines (inondation, incendie de forêt, tremblement de terre, accident d’avion ou de chemin de fer, attentat, guerre civile, etc.). Elle ne répond donc pas seulement à des prescriptions médicales pour des malades souffrant de pathologies psychiques avérées (dépression pro fonde, crises de panique, décompensation psychotique, etc.), pour lesquels une coopération régulière entre psychiatre et psychothérapeute est, bien entendu, assurée.
Ainsi, on estime aujourd’hui que 8 à 12 % de la population auront recours, à un moment ou à un autre, à un soutien psychothérapeutique. Si l’on considère qu’un psychothé rapeute à plein temps peut suivre - en moyenne - de 50 à 100 patients/clients par an (en psychothérapie brève ou de longue durée, individuelle ou de groupe), on peut chiffrer les besoins théoriques à une densité professionnelle de 50 psychothérapeutes pour 100 000 habitants (soit environ 30 000 spécialistes pour les 60 millions de Français).
Une prévention régulière évite la dégradation progressive des situations, et la transformation de crises passagères psychosociales en troubles mentaux durables, débouchant parfois sur la délinquance ou l’hospitalisation - lesquels grèvent lourdement le Budget.
9) Carence de lieux de stages publics spécialisés
Les services publics où est pratiquée une véritable psychothérapie profonde et régulière par des professionnels qualifiés sont notoirement insuffisants pour constituer des lieux de stage supervisés, susceptibles d’accueillir efficacement des psychothérapeutes en formation initiale ou continue, pendant 500 heures chacun. Cette mesure, prévue par le projet de texte, est d’autant plus irréaliste que le poste de « psychothérapeute » ne figure toujours pas dans les services publics ! Cette fonction se trouve donc assurée, tant bien que mal, par des professionnels différents, bien souvent non formés spécifiquement à cette spécialité.
Des stages sont cependant organisés actuellement par les instituts privés de formation à la psycho thérapie, auprès de services publics ou privés, soit de type psychiatrique, soit recevant des personnes en difficulté psychoso ciale ou psycho-éducative, pas toutes atteintes explicitement de « pathologies psychiques », mais nécessitant une aide psychothérapeutique.
CONCLUSION ET PROPOSITION CONCRÈTE
Ces quelques remarques nous conduisent à conclure, sans ambiguïté, qu’il nous paraît urgent de surseoir à la publication de la dernière version du projet de décret, sur un sujet particulièrement sensible auprès de l’opinion publique, cela afin d’éviter de provoquer un vif mouvement d’inquiétude, accompagné d’une nouvelle campagne de presse. Rappelons que « l’amendement Accoyer » avait suscité à l’époque plus de 100 articles dans la grande presse nationale (dont une vingtaine dans Le Monde et autant dans Libération) et de nombreuses interviews sur l’ensemble des chaînes de télévision, publiques et privées.
Les négociations pourraient reprendre à partir du projet défendu par vous-même, M. le Ministre, le 7 avril 2006, avec quelques légers aménagements, destinés à satisfaire à la fois les usagers et les professionnels concernés, ainsi que les professeurs d’université soucieux de leurs prérogatives, et les psychologues - trop souvent sans emploi, faute de qualifications ajustées aux besoins. Ces aménagements tiendraient compte de la situation actuelle réelle en France, en Europe et dans le monde.
Une formation en psychopathologie, complémentaire à une formation de base en psychothérapie, psychologie ou psychiatrie, demeure nécessaire, mais il reste évident qu’une telle formation ne constitue qu’une partie de la formation complète à la psychothérapie.
NOTES COMPLÉMENTAIRES
Enquêtes nationales récentes
Une première enquête nationale, portant sur un échantillon représentatif de 8 000 Français adultes, avait été effectuée en 2001, à l’occasion des États généraux de la Psychothérapie. Elle avait été dirigée par S. Ginger, au nom de la FFdP, en collaboration avec le magazine Psychologies, avec l’appui technique de l’Institut national de sondages BVA.
Une enquête analogue, portant sur 6 000 Français, vient d’être effectuée par Psycho logies, avec l’Institut CSA. On constate, en 5 ans, une augmentation importante du recours à la psycho thérapie, ainsi qu’un taux encore plus élevé de satisfaction : 8 % de la population, soit environ 5 millions de Français, déclarent avoir suivi ou suivre encore, une psycho thérapie ou une psychanalyse - au lieu de 5,2 % (soit une augmentation de 54 % !).
Parmi eux, 87 % se disent satisfaits (contre 84 % en 2001)… et même 95 % (!) pour les personnes ayant suivi une thérapie pendant 1 à 5 ans. (voir magazine Psychologies n° 255, daté de septembre 2006).
Si l’on tient compte des « retombées » directes d’une psychothérapie sur les proches du patient/client (conjoint, enfants, amis intimes, voire collègues de travail quotidiens), ce sont plus de 10 millions de citoyens Français qui sont directement concernés par ce sujet sensible… et l’on ne s’étonne plus des importants remous provoqués d’emblée par « l’amen de ment Accoyer », sous-tendu pourtant par d’excellentes intentions.
Formations universitaires
Faut-il rappeler qu’il n’existe aucun pays au monde où l’Université publique forme des praticiens de psychothérapie ou de psychanalyse ? Elle se contente généralement de cours d’information ou de perfectionnement, théoriques ou historiques, ainsi que de recherches, mais jamais d’une formation professionnelle proprement dite - qui implique notamment une psychothérapie personnelle approfondie (ou une psychanalyse) de l’étudiant, une supervision étroite de terrain, de petits effectifs d’étudiants, le tout difficilement compatible avec les structures universitaires traditionnelles.
Ainsi les psychiatres et les psychologues - contrairement à une opinion répandue -ne reçoivent pas à l’Université de formation spécifique à la psychothérapie, et ceux d’entre eux qui désirent pratiquer efficacement, sont amenés à compléter leur formation auprès d’instituts privés de psychanalyse ou de psychothérapie.
La loi italienne fait d’ailleurs obligation aux médecins et psychologues diplômés de
l’Université désirant user du titre de psychothérapeute d’effectuer une formation complémen taire de 2 000 heures en 4 ans, dans des instituts privés, agréés par l’État.
Il est surprenant que la nouvelle version du projet de décret n’évoque plus la possibilité de conventions avec l’Université, en vue d’un agrément de formations privées de psychopathologie ou de psychothérapie. Tout se passe comme si l’Université voulait s’approprier brusquement, de manière « impérialiste » et exclusive, un secteur professionnel qui fonctionne régulièrement depuis près d’un demi-siècle.
Sectes
Par facilité de langage, on entend parfois parler de « dérapages sectaires » de certains psycho thérapeutes mal formés. En fait, après enquête sur les quelques cas cités, il apparaît qu’il s’agit le plus souvent de l’inverse : il ne s’agit pas de psychothérapeutes devenus sectaires, mais de membres de sectes se faisant passer pour « psychothérapeutes », insidieu sement infiltrés du fait d’une réglementation insuffisante (comme nous le signalons depuis plus de 10 ans), et utilisant de manière délibérément dévoyée certaines techniques efficaces de « conditionnement » compor temental.
La psychothérapie vise explicitement une meilleure prise de conscience et une autonomisation progressive du « patient » (dénommé, le plus souvent « client », pour souligner sa responsabilité, et non sa soumission « passive » aux ordonnances d’un médecin).
Une secte, tout au contraire, vise son asservissement et la perte de son libre arbitre.
Sécurité sociale
Les organisations professionnelles françaises de psychothérapie ne désirent pas le remboursement des soins par la Sécurité sociale, mais plutôt la multiplication de dispensaires susceptibles de répondre aux besoins des personnes en difficulté financière. Une prise en charge par la Sécurité sociale impliquerait une prescription médicale (pour des difficultés bien souvent psychosociales et non strictement médicales) et des durées de soins souvent limitées pour des raisons budgétaires. (Aujourd’hui, 50 % des psychothérapies durent plus d’un an, à raison, le plus souvent, d’une séance hebdomadaire de 45 à 60 minutes).
Certificat Européen de Psychothérapie (ou CEP)
Le CEP a été délivré, depuis 8 ans, à plus de 5 000 psychothérapeutes exerçant dans 51 pays du monde entier. Il n’est donc plus limité à l’Europe et se trouve en passe de devenir un Certificat Mondial de Psychothérapie. Ses normes - proches des lois autrichienne et finlandaise et de la réglementation britannique - viennent d’être adoptées, par exemple, au Japon, au Mexique et au Brésil. Elles font l’objet, par ailleurs, d’une légère adaptation pour une Directive de la Commission européenne, en préparation.
Elles prévoient six critères de formation :
Niveau de base à l’entrée en formation : bac + 3 dans les sciences humaines (diplôme
universitaire ou professionnel (ou équivalent), représentant en moyenne 1 800 heures de formation générale ;
Psychothérapie personnelle approfondie ou psychanalyse ;
4 ans de formation théorique, méthodologique et pratique, à temps partiel, à une ou plusieurs méthodes reconnues, soit 1 400 h (le total représente ainsi 3 200 h en 7 ans) - incluant environ 150 h de psychopathologie appliquée à la psychothérapie ;
Supervision initiale de 150 h minimum, sur deux ans de pratique (la supervision demeure, obligatoire après l’obtention du Certificat et assure un perfectionnement permanentla psychopathologie pratique ;
Reconnaissance par une Commission de pairs qualifiés, comprenant des experts extérieurs à l’institut de formation (pour éviter toute « auto-proclamation ») ;
Formation éthique et déontologique, avec engagement écrit à respecter le Code de déontologie spécifique à la profession.
Mesures transitoires
Lors de la mise en place d’une profession pratiquée depuis longtemps, mais nouvel lement réglementée, des mesures transitoires (« clause du grand père ») sont toujours prévues, en France et dans l’ensemble des pays d’Europe. Il en a été ainsi, par exemple, pour les profes sions d’infirmière, assistante sociale, éducateur spécialisé, etc. Parfois, l’agrément implique un examen de contrôle - pouvant déboucher, le cas échéant, sur une mise à niveau progressive, dans un délai de plusieurs années.
Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos sentiments respectueux.
au nom de l’ensemble du Conseil d’Administration de la Fédération Française de Psychothérapie et Psychanalyse (FF2P) Dr Michel Meignant, président Serge Ginger, secrétaire général.
par Bruno Dal-Palu, Président de PsY en mouvement.
Monsieur le Ministre,
Si dans un premier temps nous tenons à vous remercier de nous avoir fait parvenir une nouvelle version du projet de Décret de l’Article 52 de la loi 2004-806 relatif à « l’usage du Titre de psychothérapeute », dans un second temps nous nous empressons de vous transmettre, comme vous nous l’avez demandé non seulement nos remarques mais surtout de vous faire part de notre profonde déception.
En effet, alors que nous avions apprécié la démarche de concertation entreprise par vos services auxquelles toutes les organisations de professionnels de la psychothérapie avaient été conviées pour tenter de réfléchir collectivement au dit Décret dans un esprit d’ouverture, d’intelligence et de cohérence durant toutes ces rencontres, nous avions abouti à un texte que vous nous aviez vous-même présenté et qui pouvait satisfaire à terme, toutes les parties impliquées dans ce dossier, cette nouvelle mouture du projet de Décret au contraire, est très en deçà de celle à laquelle nous avions ensemble abouti et nous laisse, ainsi que la plupart de nos consoeurs et confrères, dans un profond désarroi.
Ce texte est injuste car il est conçu pour donner le Titre à ceux qui n’ont cessé par le passé de le mépriser ou qui n’en voulaient pas et cherche à l’enlever à ceux qui par vocation voire par métier en ont fait un Titre attractif, rendant ainsi le gouvernement et son Premier Ministre complice d’une OPA inamicale sur le Titre.
De surcroît ce texte est illégal au sens qu’un texte réglementaire, ne peut pas déroger à l’esprit de la loi, insufflé par le législateur. Or, pour avoir été, à l’origine de la bataille contre l’Amendement Accoyer et suivi toutes les étapes de la rédaction de l’Article 52, nous savons que les élus de la nation qui ont fait l’effort de comprendre la réalité de la pratique de la psychothérapie en France, avec un haut sens des responsabilités en matière notamment de dépenses publiques de santé, avaient rédigé un texte qui attribuait de droit le Titre pour ceux qui par leur formation universitaire (psychiatres et psychologues cliniciens) ou par leur pratique (psychanalystes) avaient une pratique de psychothérapie, et permettaient aux psychothérapeutes de légaliser par un Titre leur savoir-faire déjà largement légitimé par le public. Mais pour que ce texte puisse ainsi réglementer ce qui correspondait à une pratique française qui a fait ses preuves en matière d’efficacité, le législateur avait introduit une disposition par l’alinéa 4 de l’Article 52, que votre dernière version du texte ne prend pas en compte.
Pour mémoire nous en rappelons sa rédaction : « Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article et les conditions de formation théoriques et pratiques en psychopathologie clinique que doivent remplir les personnes visées au deuxième et troisième alinéas. »
Pour le législateur cet alinéa avait donc trois objectifs. Premièrement il visait à mettre ces quatre catégories de psys sur un même pied d’égalité devant la loi, concernant cette pratique de la psychothérapie. Deuxièmement il fixait un degré d’exigence de formation minimale en psychopathologie clinique pour éviter d’une part des dérives sectaires et l’infiltration des charlatans titularisables par le gouvernement et d’autre part ne pas éradiquer les psychothérapeutes qui depuis des décennies ont organisé cette profession.. Troisièmement ayant une confiance limitée sur les services du gouvernement quant à capacité à réglementer une pratique qu’ils ont mis des mois à comprendre, le législateur fut inspiré de nous entendre en ayant prévu que cet article de la loi ne serait pas appliqué par un Décret simple, mais suite à un Décret en Conseil d’Etat pour que la loi soit respectée dans son esprit et sa lettre…
Enfin, ce texte par son incohérence va générer des dysfonctionnements dommageables au plan de santé mentale avec des risques de dérives sectaires sous garanties du gouvernement. En effet, si pour éviter que quelques charlatans mettent le Titre sur une plaque, ce texte va inéluctablement permettre à de nouveaux titulaires médecins généralistes ou de toutes spécialités confondues, à des psychologues autres que cliniciens, voire à des adhérents d’une pseudo société de psychanalyse de pouvoir ajouter à leur plaque le Titre psychothérapeute avec la garantie du gouvernement alors qu’ils n’auront aucune formation en psychopathologie clinique comme le réclame le quatrième alinéa de l’Article 52, et encore moins en psychothérapie .
En outre, il y aura pour conséquence d’interdire à ceux qui se sont formés pour exercer cette profession et les inciter à pratiquer sous une autre appellation, ce qui va ajouter de la confusion pour le public, puisque ce texte ne prévoyant plus aucune disposition pour valider leurs acquis de l’expérience, pour garder ce titre ils devront refaire leur formation à l’université.
En conclusion, Monsieur le Ministre, ce décret n’est qu’une application dénaturée de l’Article 52 qui prévoyait de réglementer l’usage du Titre de psychothérapeute, dans le respect des professionnels et dans l’intérêt du public. Bien au contraire avec votre nouveau projet de texte vous allez tout simplement supprimer une profession existante qui a mis plus de vingt cinq ans à organiser sa pratique pour lui substituer une dangereuse et légale approximation. Par ailleurs, en faisant fi du travail minutieux parlementaire notamment des rapports sur les sectes, vous allez faire dysfonctionner un plan de santé mentale et vous cherchez à mettre en difficulté le Ministre de l’Education nationale que vous rendez co-auteur de ce texte, ainsi que le Premier ministre qui en devient le signataire avec un risque de désaveu public, devant le Conseil d’Etat et par l’action que nous ne manquerons pas d’entreprendre.
En conséquence, nous vous demandons de revenir à votre projet précédent qui, avec quelques petits aménagements de détails, permettrait de clore ce dossier honorablement, et protègerait le fragile équilibre des professions psys en France, anticiperait sur des risques de débordement des remboursements de soins par la Sécurité sociale, éviterait un surcoût à l’Education nationale, garantirait l’emploi à des milliers de praticiens et surtout serait conforme à l’esprit de la loi fixé par le législateur.
Dans cette attente nous vous prions d’accepter, Monsieur le Ministre, notre haute considération et nos salutations les plus respectueuses.
Bruno Dal-Palu, Président de PsY en mouvement.
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