Du coaching sportif au coaching professionnel en passant par le coaching télévisuel, voilà bien un terme qui aura marqué la fin du xxième siècle dans nos sociétés d’abondance ! Pourquoi cet engouement ?Que se cache-t-il derrière ce néologime anglo-saxon ? S’agit-il d’un nouvel habillage managérial, mode aussi éphémère que les autres, destinée à doper la performance de l’entreprise ? S’agit-il plutôt d’une forme de thérapie qui ne dit pas son nom ?Ou encore d’un artefact de relation humaine dans un monde de solitude ?Si le mouvement ne fait que croître et embellir aujourd’hui en Europe, atteignant même la sphère privée, c’est qu’il représente une tendance sociologique lourde et qu’il correspond à une attente. ».
On peut dire que trois grandes mutations des pays industrialisés ont ouvert un boulevard à ce « méta-métier » qu’est le coaching en entreprise. :
Mutation de l’environnement dans lequel s’inscrit l’activité économique, d’abord. C est un truisme de souligner son caractère durablement incertain, en perpétuelle désintégration et reconstruction.
Mutation de l’entreprise elle-même ensuite : sa structure devient de plus en plus complexe et porteuse de contradictions pour les membres qui la composent. Liée aux deux précédentes,
une troisième mutation se fait jour : celle des acteurs eux-mêmes. Car ce ne sont plus seulement les besoins symbolisés par les premiers étages de la fameuse pyramide de Maslow que les salariés veulent satisfaire (besoins matériels-sécurité-appartenance-reconnaissance). mais bel et bien un accomplissement de soi. En d’autres termes, une quête de sens, un souci de qualité de vie au travail qui peut les pousser à « aller voir ailleurs » le cas échéant. Et les employeurs le savent bien…
Pression de plus en plus forte de l’entreprise sur ses salariés d’une part, exigence intérieure des individus d’autre part, il n’en faut pas davantage pour justifier le recours à un nouveau mode d’accompagnement, plus personnalisé et plus impliquant que le management du changement traditionnel et les approches classiques de formation.Et c’est vrai que les situations professionnelles ne manquent pas où l’on peut souhaiter ( à moins que votre hiérarchie ne vous le suggère fortement) établir une relation de face à face, à la fois confrontante, sécurisante et fructueuse avec un tiers non impliqué dans l’organisation.
Qui d’entre nous ne s’est pas heurté, un jour ou l’autre, à ses (prétendues) limites ? « Je ne m’entends pas avec mon nouveau patron » Ai-je intérêt à accepter tel changement de poste ? Je n’arrive plus à motiver mon équipe… C’est la crise, ma femme ne supporte plus que je passe douze heures par jour à mon job ?
Autant de questions épineuses qu’un coach peut aider à résoudre.
Les Américains ont compris le bien-fondé de cet accompagnement, il y a vingt ans déjà , empruntant sa philosophie au monde sportif. A l instar de leurs homologues d’outre Atlantique, ce sont d’abord les dirigeants de grandes sociétés européennes qui ont sollicité les services de coachs pour obtenir un feed-back neutre et extérieur sur l’ exercice de leur pouvoir.. Démarche volontaire ou non, récompense prestigieuse ou figure imposée, les membres du haut management leur ont ensuite emboîté le pas. Aujourd’hui, le coaching fait partie de la panoplie de toute Direction des Ressources Humaines qui se respecte, dans le cadre d’une politique de gestion des compétence bien comprise.
Coaching stratégique, coaching de croissance, de performance ou de maintenance, coaching individuel ou coaching d’équipe, différentes modalités d’intervention coexistent. La formule est généralement arrêtée au terme d’une discussion entre les représentants de l’entreprise, le sujet coaché et le coach. Un contrat triangulaire clairement défini stipule les objectifs à atteindre, les étapes par lesquelles passer, le nombre et le rythme des rencontres. (En général, de dix à vingt séances sur une durée pouvant aller de quelques mois à un an)
Mais attention ! Vous faire croire que vous ne mobiliserez que votre cerveau gauche (celui de la pensée rationnelle) dans ce voyage au cœur de vos ressources serait un leurre ! Car dans la vie professionnelle comme dans les autres compartiments de votre existence, c’est aussi votre intelligence émotionnelle qui est sollicitée, votre intuition, voire votre sagesse intérieure…
Le coach, comme ne l’indique pas son nom, vous accompagne, vous précède ou vous suit dans votre progression selon les moments. Rompu au mouvement dialectique du changement, il se fait tour à tour aiguillon provocateur, miroir fidèle, joyeux complice, ou même mentor permissif.
En tous cas, oreille toujours attentive, il maîtrise l’art du questionnement pour débusquer vos croyances erronées, déjouer les pièges relationnels que vous vous tendez à vous même, mettre en lumière des atouts que vous n’osiez pas vous reconnaître. Bien sûr, il ne pourra pas vous emmener au delà du chemin qu’il aura lui même parcouru. Bien sûr aussi, votre intense participation sera requise pour obtenir des résultats probants...
Son but ultime : vous remettre à la tête de votre histoire en utilisant aux mieux vos talents.
Et tout ceci dans une vision résolument optimiste de l’univers car un bon coach « voit des opportunités là où d’autres voient des obstacles
Qui sont les coachs ?
Profession émergeante en Europe, les coachs se réfèrent, selon le cas, plutôt au modèle anglo-saxon, pragmatique et opérationnel ou au modèle latin, plus « psychologisant ».
Ils viennent d’horizons très divers : consultants, formateurs, spécialistes de gestion des ressources humaines, psychothérapeutes, psychanalystes et psychiatres…
Ils revendiquent généralement une double compétence : avoir eux-mêmes effectué un parcours en entreprise, bien connaître la sociologie des organisations ainsi que les arcanes du management mais aussi avoir fait un travail sur eux-mêmes et maîtriser les techniques de diagnostic et d’investigation psychologiques. Un point important : le coach se doit de défendre une position éthique inattaquable et doit se faire superviser par un pair A noter qu’il existe des organismes représentatifs de la profession : Société Française de Coaching à Paris et International Coach Federation à Washington.*
Les principaux courants de la pyschologie contemporaine se sont tous intéressés au coaching et certains ont créé un cursus de formation au métier de coach (Au moins quatre en France ; un à partir de la rentrée 2002 en Belgique- voir p.) Vous trouverez donc des intervenants de différentes « obédiences » : PNL, analyse transactionnelle, thérapie brève, systémique, Gestalt, psychologie comportementaliste..Cela va de soi, le paradigme qui fonde leur pratique, leurs présupposés, leur attitude et leurs outils seront différents…
Le coaching privé : l’art d’aider quelqu’un à se débrouiller tout seul ?
Le modèle du coaching tel qu’il est développé en entreprise peut-il être transposé dans la vie privée ? Et d’abord les attentes sont-elles les mêmes ? La réponse -positive- tient en ces deux formules devenues le credo de nos sociétés dites avancées : gérer le changement et prendre son destin en mains.
A l’évidence, gérer le changement est devenu une priorité pour tous aujourd’hui. Et, dans ce monde qui ne sera plus jamais linéaire, les occasions de se trouver à la croisée des chemins sont multiples : déménagements successifs, divorce, perte d’un emploi ou nouveau choix professionnel, retraite, départ à l’université…Ce ne sont pas seulement les managers en panne de performance qui requièrent l’écoute active d’un coach mais toute personne (jeune à la sortie du système scolaire, femme confrontée au départ de ses enfants devenus adultes, nouveau retraité…) à la recherche de balises pour tracer sa route.
Car le changement est omniprésent, avec son éventail de chances à saisir mais aussi d’incertitudes et d’interrogations. Qu’il soit provoqué par des événements externes vis à vis desquels vous êtes obligé de fournir des réponses innovantes ou par des remaniements intérieurs qui vous poussent à reconsidérer vos opinions préfabriquées. Face à cette situation, deux solutions se présentent : accepter le sort comme une fatalité ou prendre votre destin en mains.
« Prendre son destin en mains »,( avec sa variante plus littéraire « trouver sa légende personnelle »), c’est justement le deuxième mot d’ordre martelé non seulement dans les revues de management mais aussi par la presse d’opinion et les magazines féminins. Subrepticement, ces injonctions se transforment en valeurs qui imbibent en profondeur toute notre culture. Vous vous devez de « réussir » votre vie. Dans tous les domaines. Et vous avez l’embarras du choix sur les moyens d’y parvenir (changer de look, de partenaire, de pays, de métier…) De quoi vous sentir totalement inhibé devant tous les possibles qui s’offrent à vous !
Dans ce nouveau contexte de « souveraineté du moi », selon l’expression désormais consacrée par les sociologues, on peut parier sur le développement progressif du coaching privé.
Sans empiéter sur le champ d’intervention de la psychothérapie -notamment parce qu ’il met en œuvre un process plutôt tourné vers le présent et l’avenir que vers le passé- le coach a des outils spécifiques en mains pour aider son client à se situer sur « la ligne du temps », et dans les « cycles de changement », à faire le tri entre ses anciens et ses nouveaux principes de vie, à identifier ses potentialités et à les mettre en œuvre dans un projet cohérent…De fait, il l’aide à faire sienne la formule de Frédéric Hudson, l’un des papes du coaching américain « Personne ne vous doit rien. Ni le gouvernement, ni le système, ni votre employeur. Ni votre conjoint, ni vos parents, ni vos enfants. Vous devez inventer votre propre futur en étant un bon gestionnaire de votre présent et un entrepreneur hardi de votre avenir ».
*Chantal Rens a été formée au coaching par Jane Turner et Bernard Hevin
(membres fondateurs de la SFCoach) au Dojo (Paris).