Approche

Recueillir un récit de vie pour réveiller des histoires endormies

Par "Les Réveilleurs d’histoires"


Recueillir un récit de vie pour réveiller des histoires (...)

Catherine a perdu un être cher, elle ne veut rien oublier de son histoire d’amour.
Giuseppe est à la retraite, il souhaite transmettre à son petit-fils l’histoire de son immigration.
Noémie sort d’un burn-out et veut témoigner de l’épreuve traversée.
Hugo est à la recherche de reconnaissance, il veut se mettre en chemin pour clamer sa différence.

Toutes ces personnes ont en commun le désir de raconter, de se raconter.
Se raconter et écrire, ou dire ce qui n’a peut-être jamais été dévoilé.

Faire le récit de soi, c’est en quelque sorte exister au sein du monde.
Quels que soient notre origine, notre âge ou même nos façons d’agir nous, existons à travers les histoires que nous nous racontons à propos de nous-mêmes, des autres et du monde qui nous entoure. Ces récits forgent notre identité et notre rapport au réel. En ce sens, ce qui n’est pas raconté n’existe pas ! Les Réveilleurs d’histoires accompagnent ce processus de mise à jour des histoires endormies lors d’ateliers narratifs, ou de coaching narratif individuel.

1. Le concept du récit de vie

Qu’il s’agisse d’une autobiographie ou d’une biographie, d’un journal intime ou d’un mémoire ; le récit de vie est toujours la narration d’une personne qui raconte des événements vécus et agencés selon une intention précise : relater, transmettre, témoigner, garder mémoire…

Raconter son récit de vie, c’est mettre à distance pour mieux les faire vivre les événements traversés. Mais raconter c’est aussi sélectionner, car il est impossible de tout relater. Il faut dès lors choisir des morceaux de vie et les entrelacer dans une cohérence narrative.

Le récit s’inscrit dans la relation à l’autre : la personne qui écoute, le futur lecteur connu ou imaginé. Le récit se construit en lien avec cette adresse, en plus de l’intention qu’il porte.

Le récit de vie est dans ce sens une interprétation de soi, un récit à travers lequel la personne se reconnaît exister et consolide son identité. Sur la base de ce récit, il lui est possible de prendre position et de se tenir debout.

« Le récit ne se déploie véritablement que s’il est adressé à quelqu’un. Et il ne s’agit pas de parler devant quelqu’un, mais à quelqu’un : le récit a besoin d’une adresse pour advenir véritablement comme récit. » Mariechela Vargas.

2. Recueillir le récit de vie en Approche narrative

Recueillir ce récit dans un processus narratif, c’est pour le narrataire (celui qui écoute) accueillir avec curiosité la vie de l’autre qui se dépose. En sa qualité de praticien narratif, il aide la personne à percevoir toute la force d’exister que contient son récit.

Les réactions, les surprises, les questions de l’interlocuteur encouragent le narrateur à détecter une trame. Cette trame l’aidera à trouver du sens dans sa vie.

« Nos vies existent dans un espace de questions auxquelles seule une narration cohérente peut apporter la réponse » (Taylor, 1998).

Pour oser se dire, là où l’on n’a pas pu le faire, il faut un autre à l’écoute affinée. C’est à travers une écoute décentrée et un questionnement influent dans sa dimension éricksonienne, que le praticien narratif chemine avec le narrateur à travers les anecdotes de sa vie et qu’une histoire préférée de soi se dégage peu à peu.

C’est parce que l’écoutant écoute pour une autre histoire, que cette dernière peut se révéler. Par ses questions curieuses, il accompagne le récit de soi vers des espaces narratifs nouveaux. Remuer la mémoire, faire émerger des souvenirs enfouis comme la reconnexion à des amitiés oubliées, des grands-parents, des lieux, des créations, des liens avec des animaux et la nature peuvent aider à tirer de nouveaux fils pour un nouveau récit de soi possible.

-  Qui ne serait pas étonné que tu dises cela ?
-  Où aimes-tu te ressourcer quand tu as besoin de recharger tes batteries ?
-  De qui tiens-tu cette belle façon de rire de tout ?
-  Comment t’y es-tu pris pour affronter cette peur ?
-  Quelle émotion t’accompagnait alors ?

3. Se raconter pour se libérer

Le courant de l’Approche narrative initiée par Michaël White et David Epston part du principe édicté par Carl Rogers que

« La personne est la personne, le problème est le problème et la personne n’est pas le problème. »

Une personne, noyée dans son histoire « problème », s’identifie à lui : « Je suis à bout, épuisé.e », « Je suis abandonné.e », “Je suis différent.e ». Le récit vu par ce prisme identitaire prend souvent toute la place. Se raconter c’est l’occasion de se libérer de certains récits de soi « enfermants ». Certaines de nos histoires nous collent si bien à la peau que nous nous y sommes identifiés. Oser les raconter, c’est tenter de reprendre l’initiative, de se dégager d’étiquettes identitaires trop contraignantes.

« Nous racontons des histoires parce que les vies humaines ont besoin et méritent d’être racontées ». En particulier, « toute l’histoire de la souffrance crie vengeance et appelle récit » Paul Ricoeur.

David Denbourough dans son livre « Redécouvrir les histoires de notre vie » explique qu’il est important, dans l’accueil des récits de vie, d’une part, de faire une place aux histoires de problèmes, en les reconnaissant sans les taire et, d’autre part, de déceler les moments d’exception où la personne a su faire face et l’a emporté sur son problème. Car ce sont là les fines traces d’un autre récit de soi qui ne demande qu’à être « épaissi ».

Notre identité est mouvante et non limitée à une seule version. Faire son récit de vie, c’est donc bien choisir son accompagnant, son intention de départ et être ouvert à envisager son identité sous divers points de vue avant de faire acte de reconstruction.

4. L’architecte et le tisserand

Par quel bout commencer son récit de vie ?

Différentes formes sont possibles pour le structurer. Les uns empruntent à l’architecte sa méthode : ils tracent des axes, délimitent les chapitres, balisent avec soin leurs trajets. « C’est dans l’abstraction de la construction que son intelligence narrative va trouver son envol » nous résume Philippe Arrou-Vignod.

Les autres s’inspirent du travail de l’artisan tisserand : ils lancent quelques fils-souvenirs, les brodent, les entrelacent peu à peu jusqu’à ce que le dessin entier surgisse et se révèle à leurs yeux.

5. Passé, présent, à venir : tous les temps sont dans un récit

L’agencement des anecdotes vécues tisse peu à peu une cohérence narrative qui consolide l’identité préférée de la personne accompagnée.
Un récit n’existe vraiment que s’il est transformationnel :
Il lui faut un point de départ, suivi d’une quête pour aboutir à une situation finale, éloignée de la situation initiale.
Ce récit, formé par un ensemble de morceaux choisis traverse le passé et frappe à la porte du présent. Les anecdotes de vie sont choisies avec les émotions d’aujourd’hui, et ces émotions (du latin « movere » : mettre en mouvement ») sont fonction de nos projets à advenir.

C’est dans son « face à face » au récit (formulé oralement ou sur papier) que la personne prend conscience de la trame narrative qui la constitue.
C’est en se disant qu’elle advient !

Or, c’est justement ce “chemin de vie” que l’accompagnement narratif propose. Chaque anecdote est une opportunité de renversement identitaire. À l’intérieur de chaque bribe d’existence narrée se cache une étincelle narrative potentiellement résiliente que la double écoute du praticien narratif tente de dépister.

6. Un processus dans un cycle d’écriture

L’écriture peut être est utilisée comme support maïeutique.

Ce processus d’émergence d’un récit, alterne des temps d’écriture de soi à soi et des temps de lecture partagée en groupe. Face à la page blanche, les personnes écrivent à l’aide de “déclencheurs" — petits bouts de textes, d’illustrations, sons — ce qui vient à leur plume.

Lors des ateliers, les textes rédigés sont lus et écoutés. Chacun devient le récepteur de l’autre et lui fait un retour sur ce qui a résonné en lui lors de l’écoute de cette lecture.

C’est cet écho de soi à l’autre, cette fois, qui donne au récit individuel une dimension universelle. Un lien en humanité relie ceux qui partagent les émotions qui ont vibré dans ces morceaux de vie choisis.

7. Nous sommes les héros de notre vie

L’écriture est une forme d’expression de soi étonnante : une pensée, une sensation, une émotion revient en mémoire et la main, prolongée par le stylo, emmène la personne où son esprit ne l’attendait peut-être pas. Lentement ou tout à coup, l’histoire se détache de la personne, couchée sur papier elle se surprend : « est-ce moi ce héros ? ».

Accompagnée par le praticien narratif, la personne se reconnecte à son pouvoir d’auteur. Être le héros de sa vie, ce n’est pas être un personnage valeureux guidé par des normes dominantes auxquelles il se soumet, mais bien être celui qui agit au nom de ses valeurs et des choix qu’il assume.
Être le héros de sa vie c’est avant tout en être l’auteur.

Ainsi la personne peut décider de garder ou non ces morceaux de vie qui ont émergé lors des temps d’écriture, les remanier sous un autre angle, les évaluer autrement et diluer ainsi la problématique qui la recrutait trop souvent. Elle peut prendre position et décréter que telle relation lui est désormais trop néfaste et la congédier de son club de vie. Elle peut aussi décider d’agir autrement et changer son rapport à elle-même et aux autres.
Oui, la fiction a toute sa place dans un récit de vie.

8. Un récit matérialisé, une identité augmentée

Donner corps à un récit c’est aussi lui donner une forme, le matérialiser et ainsi lui conférer un pouvoir de relais.

Réaliser un livre, un recueil voire un montage vidéo à transmettre à d’autres c’est aussi l’occasion pour celui qui a raconté son histoire de contribuer à la vie d’autrui. Il est le témoin d’une traversée humaine partage son expérience qu’il a réussi à mettre en mots.

Il n’est ainsi pas rare, en accompagnement narratif, de demander à son client s’il accepte de transmettre à d’autres personnes le récit de son expérience pour partager ses ressources de vie.

C’est en racontant ses actions, ses choix, ses défis de vie que la personne construit son « Je suis ». Elle devient « un autre » en se racontant soi-même. Elle trouve des sens à son identité et trace sa route dans le sens qu’elle a construit.

« On ne s’installe pas dans le sens comme dans un fauteuil. On ne le possède pas comme un bibelot ou un compte en banque. On le cherche, on le poursuit, on le perd, on l’anticipe... Le sens n’est jamais là, jamais présent, jamais donné. Il n’est pas où je suis, mais où je vais ; non ce que nous sommes ou faisons, mais ce que nous voulons faire, ou qui nous fait » André-Comte Sponville.

L’individu est bel et bien le producteur de son histoire. Il en est l’auteur !

Publication proposée par : Réveilleurs d’histoires (les)

Les Réveilleurs d’histoires accompagnent les personnes et les groupes en transition en déclenchant un autre imaginaire narratif, plus porteur de sens et constitutif d’une histoire, d’une identité « préférée ».
-  www.lesréveilleursdhistoires.be
-  E-mail : reveilleursdhistoires@gmail.com
-  Lieu : 215 avenue de Tervuren, 1150 Woluwe-Saint-Pierre.
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