Consultations en ligne

Thérapie dans le cyberespace

Par Daniel Collet-Cassart


Thérapie dans le cyberespace

Les bouleversements de la vie sociale créés par l’avènement de l’univers internet n’ont pas fini de nous affecter. Si la pratique des réseaux sociaux a envahi la planète et apporté des changements majeurs dans la communication entre les humains et ce, dans tous les domaines, sociaux, économiques, politiques, il y en a un qui résiste à la pression technologique, c’est celui de la relation thérapeutique. Et encore, la résistance est culturellement sensible ; en effet, le monde anglo-saxon, par exemple, est déjà plus avancé dans ce qu’il appelle « cyberspace therapy ». La pratique de la thérapie par vidéo, par téléphone ou par courriel ou par échange de fichiers audios y est de plus en plus courante.

L’International Society for Mental Health Online, ou ISMHO, est une association sans but lucratif créée en 1997 et destinée à promouvoir la compréhension, l’utilisation et le développement de la communication en ligne, l’information et la technologie pour la communauté internationale de l’aide en santé mentale. Tout praticien dans le domaine de la santé mentale et qui désire utiliser le champ du cyberespace peut demander à s’affilier à l’ISMHO et il y trouvera des articles divers, des études menées par l’association, des suggestions de pratique et toute information relevant de la thérapie dans le cyberespace.

Le monde francophone résiste

Dans notre univers francophone, l’utilisation d’internet en thérapie en est à ses balbutiements, mais on assiste par ailleurs à un boom d’utilisation d’internet en médecine, comme par exemple pour pallier le manque de médecins en région rurale : le patient consulte par internet et le médecin fait son diagnostic à distance, en donnant des consignes comportementales au patient, puis lui envoie sa prescription par courriel.

Dans la communauté thérapeutique, relativement peu de thérapeutes pratiquent dans le champ du cyberespace, arguant que le contact est « artificiel », que rien ne vaut le contact direct, qu’internet se bloque parfois, qu’il est important de se rendre au cabinet du praticien, de payer sa consultation en main propre, etc…Autant d’arguments qui servent à consolider la résistance au changement technologique, qui est pourtant inéluctable dans notre société. L’engouement de la multitude pour les réseaux sociaux en est une indication absolue.

Moi-même, lorsqu’une cliente que j’avais en consultation depuis plusieurs mois m’a demandé de continuer par Skype, car elle allait vivre en Suède, j’ai résisté, disant d’emblée que « Non, ça n’est pas possible, je ne fais pas cela. » Puis, devant son insistance et notre engagement thérapeutique, j’ai accepté et bien m’en a pris. Depuis, j’expérimente avec divers clients que la qualité du lien thérapeutique n’en souffre pas et que même, certaines pratiques thérapeutiques, comme l’utilisation de l’EMDR, sont parfaitement possibles via Skype. Je me suis dit à cette occasion que décidément nos clients sont nos meilleurs inspirateurs.

Dans le champ du cyberespace

Mais qu’en est-il donc de ce fameux cyberespace, sujet de méfiance pour beaucoup de thérapeutes ?
Qu’est-ce qui le caractérise ? Qu’est-ce qui le différencie du champ de l’espace-temps habituel ?

Traditionnellement le client se déplace et rencontre le thérapeute en un lieu convenu (le cabinet), à un moment convenu, durant un temps convenu. À l’issue de la séance, le client paie le thérapeute et quitte son cabinet pour retourner chez lui ou aller ailleurs. Le cycle du contact client-thérapeute, cher aux gestaltistes, se déploie alors complètement : il y a ce moment, appelé pré-contact, où le client sait qu’il va rencontrer son thérapeute et qu’ils vont parler de telle ou de telle chose qui le concerne. Ce moment entre deux dans la salle d’attente ou bien ce moment où il est en retard et se sent coupable ou en colère contre lui-même. Il y a ensuite ce moment de l’échange thérapeutique, qu’on appelle plein contact, où des choses importantes peuvent se passer (prises de conscience, émotions diverses, …). Enfin, il y a ce moment, appelé post-contact, où le client quitte la séance, paie sa séance et part digérer ses émotions, ses prises de conscience dans le monde extérieur.

Dans le cyberespace, si on travaille par Skype ou par un autre moyen vidéo, le paramètre temps ne change pas beaucoup : on prend rendez-vous pour un moment déterminé et une durée déterminée ; que l’on soit à 10 ou à 10 000 km ne change rien, il faut juste tenir compte, le cas échéant, du décalage horaire.

Par contre, le paramètre espace, lui, est très différent. Le client sera généralement chez lui, le thérapeute dans son cabinet ou éventuellement ailleurs. Le client ne se déplace ni avant la séance, ni après celle-ci. Il reste chez lui, ce qui peut bien sûr être plus confortable ou rassurant pour lui. Pensons aux longs déplacements, aux encombrements de la circulation, aux personnes socialement phobiques, handicapées ou sans moyen de transport, pensons aussi aux personnes vivant à l’étranger, dans un milieu culturel qui ne leur permet pas de trouver des espaces thérapeutiques appropriés. Pensons aussi à ceux qu’on appelle les nomades digitaux, qui se déplacent très fréquemment à l’étranger pour leur travail. Dans un monde où la mondialisation est galopante, de plus en plus de personnes sont délocalisées par rapport à leur culture ou leur lieu d’origine.

L’espace thérapeutique est différent car le contact par écran interposé est la règle, du moins dans les échanges par vidéo. Bien sûr, on se voit et on s’entend mais certains aspects du langage non verbal seront différents : par exemple, les yeux légèrement humides traduisant une tristesse montante ne seront pas nécessairement visibles à cause de la résolution insuffisante de l’écran. Par contre, la proximité de la caméra de l’ordinateur donnera souvent aux visages du client et du thérapeute une proximité que la rencontre in situ ne permet pas. Les interruptions du flux internet sont évidemment des événements qui peuvent perturber les échanges et il convient de bien s’accorder sur la façon de gérer ces moments qui peuvent se présenter. Heureusement, la technologie internet s’améliore constamment et des apports comme celui de la fibre optique, par exemple, sont là pour augmenter le confort des échanges.

Certains utilisateurs ont même rapporté qu’ils se sentaient plus à l’aise quand ils étaient derrière leur écran et qu’ils pouvaient plus facilement et plus rapidement parler de leur intime au thérapeute. Les praticiens des lignes d’écoute téléphoniques connaissent bien ce phénomène dans lequel l’appelant se sent plus à l’aise car non vu par son interlocuteur. Dans le cas de la thérapie par Skype, chacun se voit mais l’écran semble rassurer d’emblée le client. Le fait d’être sur son « territoire » est peut-être aussi rassurant pour le client.

La diversité des moyens dans le cyberespace

Outre la thérapie par Skype, le cyberespace permet aussi d’autres opportunités qui peuvent être utilisées indépendamment ou en complément. Il y a, par exemple, l’échange immédiat par écrit ou chat, le téléphone via internet ou l’échange de messages audios/vidéos ou de courriels.
Dans ces deux derniers cas, le facteur temps de la thérapie change : on peut écrire ou enregistrer un message vocal, se relire ou réécouter son message audio/vidéo, peaufiner son message afin qu’il corresponde au mieux à son vécu, puis l’envoyer au thérapeute qui répondra avec un délai, délai que le thérapeute peut mettre à profit lui aussi pour ajuster son message. L’asynchronisation des échanges permet un enrichissement du contenu des échanges.

On le voit, le cyberespace recèle beaucoup de possibilités de contacts thérapeutiques et nul doute que la pratique psychothérapeutique dans le champ du cyberespace a encore de beaux jours devant elle.

Et qu’en est-il de l’efficacité des cyberthérapies ?

On peut légitimement se demander ce qu’il en est de l’efficacité des cyberthérapies lorsqu’on la compare à celle des thérapies en présentiel.
On sait qu’évaluer l’efficacité de la thérapie est un exercice difficile car il s’appuie essentiellement sur des données généralement subjectives. Il n’empêche que les premières études en la matière montrent qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre les résultats obtenus en pratique en présentiel et en pratique dans le cyberespace. Certaines études montrent, dans certains cas, un avantage de l’une des approches par rapport à l’autre, mais globalement les approches se valent : Therapy Online : a practical guide de Kate Anthony et al. et l’ouvrage de Yann Leroux Mon Psy sur Internet, ainsi que les publications du site internet de l’ISMHO, en présentent d’intéressantes conclusions.

Quoi qu’il en soit, toutes les études d’efficacité des psychothérapies ont à ce jour montré que le facteur majeur restait la posture du thérapeute, au-delà du mode thérapeutique utilisé.

Parmi les avantages évidents de la cyberthérapie, on peut quand même en reconnaître trois principaux.
Tout d’abord il y a la question de l’espace qu’on a évoqué plus haut : où que l’on soit dans le monde ou quelle que soit la difficulté de rejoindre un cabinet de psychothérapie (trop loin, trop près, pas de moyen de transport, ou peur du contact présentiel), on peut avoir une session avec un psychothérapeute.
Ensuite, il y a la question du temps : dans l’ensemble des moyens permis par le cyberespace, les contacts vidéos, téléphonique ou par chat se font de façon synchrone. Par contre, les échanges par courriel ou audio enregistrement, eux, se font de manière asynchrone, permettant de cette façon un échange de messages ajustés entre le client et le psychothérapeute.
Enfin, et il s’agit d’un point particulièrement important, dans le cyberespace on peut plus facilement trouver le thérapeute qui convient le mieux à son cas : si j’ai besoin d’un thérapeute spécialisé dans les psycho-traumatismes ou dans la résolution des phobies sociales, je ne vais pas nécessairement le trouver dans mon environnement proche, alors que dans le cyberespace, toutes les possibilités existent.

C’est peut-être pour toutes ces raisons qu’une enquête menée auprès de 1400 patients dans plus de dix pays montrait que 76% des personnes interrogées préféraient la consultation à distance.

Dans sa publication intitulée Myths and Realities of Online Clinical Work, l’ISMHO identifie une série de compétences utiles pour le thérapeute et pour le client afin que leur rencontre dans le cyberespace soit fructueux.
Parmi ces compétences il y a pour le thérapeute, au-delà de sa formation, de son empathie et de sa capacité de contact, de nécessaires compétences techniques comme l’aisance et la rapidité dans l’écriture (en cas d’utilisation de chat ou de mails), une connaissance suffisante de son ordinateur, des réglages à effectuer, une tolérance aux aléas de rupture de contact internet etc. La possession d’un ordinateur de rechange en cas de panne subite n’est pas à négliger. Il faut prévoir un cadre particulier pour pallier les aléas techniques. Heureusement, les progrès technologiques vont dans le sens du confort des échanges dans le cyberespace. Il est utile aussi de prévoir un cadre pour le paiement des séances qui se fera nécessairement par carte de crédit : paiement anticipatif ou après la séance ?
En cas d’abréaction du client, le thérapeute doit pouvoir se sentir suffisamment à l’aise que pour être présent à celui-ci sans pour autant pouvoir le toucher.

Dans la majorité des cas, les thérapeutes du cyberespace utilisent l’application Skype car elle est pratique et largement répandue dans le monde, l’utilisation de chat, d’applications vidéo-phoniques ou l’échange de mails ou de messages audios complétant l’arsenal des moyens thérapeutiques mis à leur disposition.

Thérapies présentielles et cyberthérapies sont complémentaires

Opposer thérapie dans le cyberespace à thérapie présentielle n’a pas beaucoup de sens car chacune des modalités a ses avantages et ses inconvénients, comme on l’a vu. En réalité elles sont destinées à coexister dans le vaste champ de la relation humaine.

Il y a seulement vingt ans, les hommes et les femmes se cherchaient dans les dancings, les bals et dans des clubs divers. Aujourd’hui, un nombre croissant d’entre eux se rencontrent via Tinder ou Meetic. Les réseaux sociaux ont seulement augmenté les possibilités de rencontres. Après, il y a ce que les hommes et les femmes font de leur rencontre. De même, dans le cyberespace, les possibilités de rencontres entre clients et thérapeutes sont nombreuses et facilitées. Après, il y a l’alliance thérapeutique, puis la thérapie qui doivent se mettre en place.

Daniel Collet-Cassart

#Consultations à distance (par vidéo ou audio), carnet d’adresses

Publication proposée par : Collet-Cassart Daniel

Daniel Collet-Cassart est Psychothérapeute Gestaltiste, formé en psychotraumatologie et travaillant en EMDR, par VISIOCONFERENCE uniquement. Membre EMDR-Belgium et EMDR-France. Je reçois les adultes et les couples.
- Courriel : synapses108@gmail.com
- Tel : 0032495 509 404 (Belgique)
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