Balint (groupes)


Un groupe Balint est un groupe de médecins et/ou d’autres professionnels de la santé qui en général ne dépasse pas quinze participants. Il est animé, si possible, par un analyste (médecin de préférence) ou par un psychiatre et un autre médecin ayant acquis une bonne expérience du groupe Balint. L’accent est mis principalement sur la relation soignant-soigné où la dimension de soin est capitale : le symptôme ou la maladie est souvent le support de cette relation et il s’agira d’en comprendre la signification et l’interaction dans le contexte du milieu familial et social.

L’inconscient y est un sujet d’étude et un moyen d’élucidation grâce à la présence de l’analyste.

Mais la dynamique de groupe y joue également un rôle important : on peut très rapidement retrouver un parallélisme entre la relation que le soignant a avec son patient et celle qu’il a avec le groupe, ce qui fait qu’il n’est pas important que le malade soit présent physiquement dans ces discussions.

Quelle différence y a-t-il avec d’autres groupes ?

Ce n’est pas un groupe thérapeutique : si le soignant a un problème personnel, il doit chercher à le résoudre ailleurs, mais pas dans le groupe Balint ; car celui-ci n’est pas un groupe qui soigne le soignant.

Ce n’est pas un séminaire de cas cliniques : ce n’est pas la maladie ou le malade qui est au centre des discussions, comme c’est le cas à l’hôpital ou en clinique psychiatrique. L’histoire du malade est un point de départ pour étudier la relation du soignant avec son patient et voir, par exemple, comment tel médecin peut aider le mieux tel patient à évoluer favorablement.

Ce qui est important dans le groupe Balint, c’est non seulement de reconnaître les émotions du malade mais aussi celles du soignant et de voir comment l’interaction entre les deux peut être favorable et utile au malade.

Enfin, on recherche à déceler les phénomènes inconscients tels que les non-dits, les actes manqués, les passages à l’acte, les mots employés et leurs répercussions sur la relation.

Quel est l’objectif d’un groupe Balint ?

L’objectif avoué de Michaël Balint était de mieux former (si pas d’informer) les médecins et professionnels de la santé sur le plan psychologique car il avait constaté la faillite des cours magistraux dans ce domaine.

« Ce sont les propres défenses du médecin à l’égard de ses problèmes affectifs personnels qui obturent sa vision (la tache aveugle), sa perception et sa compréhension de la problématique présentée par le patient, ce patient qui, lui aussi, n’offre au médecin que des défenses, au travers de ses symptômes et de sa maladie ».

Le soignant est non seulement privé de connaissances psychologiques, théoriques et cliniques suffisantes, mais est aussi dépourvu, naturellement comme tout un chacun, de moyens pour lever ses propres défenses et ainsi percer ou interpréter celles de son malade.

Le groupe Balint centre son attention sur le théâtre de la relation soignant-soigné, là exactement où se manifestent, s’affrontent ou s’embrassent les défenses de l’un et de l’autre.

Quels sont les moyens d’un groupe Balint ?

1. La méthode reprend aux différentes techniques psychothérapeutiques (y compris la psychanalyse) le véhicule le plus commode des défenses et le plus accessible à leur approche, c’est-à-dire le langage. C’est en rapportant ce qu’il vit, dans une situation professionnelle choisie, à un groupe de pairs (susceptibles donc de comprendre pour les vivre aussi, ses difficultés, ses défaillances, ses peurs, ses échecs et acceptant de les mettre en commun) que le soignant exprime dans son discours ses propres défenses en face du malade en question, qui sont souvent le reflet exact des défenses mêmes de ce patient. Au sein du discours, l’attention du groupe se portera surtout sur les choix des mots, intonations, insistances, omissions, oublis, lapsus, silences, etc., sur les gestes et les mimiques.

Ce que le soignant ne peut directement percevoir, il l’exprime inconsciemment dans ce discours qui est repris en écho par le groupe (avec d’autres mots, d’autres intonations, insistances, omissions, lapsus, etc.) Dans un jeu verbal qui frôle l’interprétation, entraîne la dédramatisation, autorise la décharge émotionnelle et amène progressivement à un vécu dans la relation au malade qui, à défaut d’être une véritable et authentique prise de conscience de ce qui s’y passe, permet par la levée des défenses les plus importantes en jeu, de « sentir » son patient au-delà des symptômes-défenses et, sinon de cerner, au moins d’approcher la problématique exprimée par la maladie. Ces défenses touchent le plus souvent aux problématiques communes : idéal du Moi, toute-puissance, castration et complexe d’Oedipe, sexualité, etc. Ces problématiques sont vécues dans les relations familiales, conjugales et professionnelles du malade et reproduites dans sa relation de transfert au médecin. Et ce sont ces mêmes défenses, reprises à son propre compte, que ce médecin offre au groupe, cela sous l’oeil bienveillant, attentif et permissif des animateurs.

Le fonctionnement du groupe classique se fait donc dans la verbalisation, dans l’exposé de la situation relationnelle soignant-soigné et dans la discussion qui suit ; cela apparaît comme suffisant dans la poursuite des buts recherchés. La technique ainsi centrée sur la seule relation soignant-malade, permet de garder une distance nécessaire à l’égard des problèmes personnels du soignant (pour autant que ceux-ci ne soient pas trop importants d’où, selon certains, l’utilité de « trier » les membres du groupe).

2. Si le langage est un des moyens proposés, l’atmosphère (le « setting » des anglais) en est un autre tout aussi important, car « une des fonctions les plus importantes de ces séminaires est de créer une atmosphère suffisamment sécurisante pour permettre au médecin de faire un rapport spontané qui révèle son implication émotionnelle, et où l’auditoire soit assez sympathisant pour critiquer son rapport, mais de façon amicale et constructive ».

Cette citation et les suivantes résument l’essentiel de la pensée de Balint. Une grande partie des critiques adressées de l’extérieur aux groupes Balint proviennent du fait que les soignants se sentent menacés par ceux-ci. L’étude académique, scientifique et technique d’un cas, est très rassurante pour le soignant : l’objectivité permet de garder ses émotions à distance. Or, que se passe-t-il ?

« On peut affirmer que dans toute psychothérapie, les émotions du médecin jouent un rôle crucial. Si le médecin travaille seul, sans jamais avoir l’occasion de discuter de ses expériences et de ses problèmes techniques avec un confrère non impliqué, le plus souvent l’influence de ses émotions sur le traitement demeure, dans une large mesure, inconnue. D’une façon générale, il peut même ne pas avoir conscience du fait que des émotions ont été suscitées en lui par des patients ».

Le soignant pense in petto : « Mais c’est très dangereux cela. S’il faut que je tienne compte de mes désirs et de mes colères, je vais perdre ma belle assurance si péniblement acquise. Que vont penser mes patients si je me remets en question ? Non, vraiment, je ne peux pas prendre un tel risque. Il n’y a d’ailleurs que des gens à problèmes pour participer à de tels groupes ». Et de traiter les groupes Balint de fumisterie...

Quand quelqu’un comme BALINT propose d’avoir le courage de notre propre bêtise, la tentation est forte de le renvoyer à sa bêtise. Et pourtant, « l’atmosphère amicale de nos séminaires de recherche a permis aux participants de surmonter leur résistance à dévoiler leurs contributions personnelles aux processus thérapeutiques. De ce fait, ces détails personnels, rarement mentionnés dans les publications professionnelles, ont été transformés par nos méthodes de recherche en véritables observations scientifiques, ce qui nous a permis d’acquérir une connaissance remarquable de cette interaction complexe entre médecin et malade qu’on appelle traitement médical. On pourrait dire que le cabinet du médecin, avec son intimité jalousement gardée, a été transformé par notre recherche méthodique en un laboratoire scientifique où peuvent s’effectuer des expériences psychologiques correctement observées ».

Cette connivence entre les participants d’un groupe permet une critique constructive. Contrairement à la plupart des enseignements magistraux supérieurs ou universitaires, il s’agit d’un échange entre personnes également concernées et motivées, sans recette toute faite. La mise en évidence d’éventuelles erreurs n’a pas un but de sanction, mais surtout d’amélioration dans la relation soignant- patient, également dans la relation patient-maladie et patient-entourage.

Quel est le mode de fonctionnement d’un groupe Balint ?

Ceux qui ont vu fonctionner divers groupes Balint auront pu se rendre compte que le mode de fonctionnement, compte tenu de ce qui vient d’être dit des moyens, variera très fort en fonction de la personnalité des animateurs, des participants (qui désirent plus ou moins s’impliquer), de l’apport d’autres méthodes (par exemple, les jeux de rôle, le psychodrame, l’enregistrement vidéo, la systémique familiale, etc.). Bref, chaque groupe fonctionnera un peu selon sa dynamique propre et en fonction de buts accessoires que Balint a étudiés et mis au point ultérieurement (« flash », « diagnostic global »). Mais ceci demanderait un autre exposé...

L’objectif principal est le suivant : comment le groupe peut-il aider tel soignant, non spécialisé en psychothérapie, avec tel patient à tel moment de son évolution et comment le soignant peut-il s’administrer en tant que médicament, dans la pratique habituelle de sa profession ?

Pour terminer, citons Balint lui-même : « La pratique médicale devra abandonner longtemps encore l’ambition de devenir aussi exacte que sa branche soeur, la médecine scientifique. L’ambition ici ira moins loin dans le sens d’un diagnostic de précision que d’un diagnostic en profondeur ; il faudra beaucoup de travail et de temps, plusieurs générations peut-être, avant que les médecins soient capables d’affiner leurs observations et leur langage pour décrire ce diagnostic en profondeur, jusqu’à pouvoir rivaliser avec les résultats de la médecine scientifique.

Comme leur contact prolongé avec leur malade les pousse - du moins ceux qui ne sont pas entièrement sous l’influence de la médecine hospitalière - à considérer l’homme plutôt que ses maladies, les techniques auxquelles il leur faut recourir contiendront toujours une grande part de psychothérapie et ne se prêteront pas à une validation sur le modèle de l’expérience doublement aveugle.

Ils devront créer de nouveaux critères, une nouvelle sorte d’objectivité scientifique qui pourrait être appelée pathologie de la personne dans sa totalité ou médecine de la personne en sa totalité et dont la tâche essentielle sera de comprendre quel est le sens, pour l’individu, des plaintes et des maladies qu’il offre à son médecin. Le but de la thérapie sera alors de permettre au patient de se comprendre lui-même, de trouver une meilleure solution au problème qui se présente à lui et de parvenir ainsi à l’intégration qui ne s’est pas encore réalisée ou qui s’est effondrée par suite d’une relation perturbée, entre le sujet et son entourage ».

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